Le Ravivage de la Flamme

par Axel Chagnon

Peu de parisiens le savent et pourtant, tous les soirs à 18h30 depuis le 11 novembre 1923, la Flamme brûlant sous l’Arc de Triomphe est ravivée, feu sacré représentant tous les morts de toutes les guerres.

Mise en place du lieu sacré

Le 10 novembre 1920, au sein de la citadelle de Verdun, en présence du Ministre des Pensions André Maginot, le soldat Auguste Thin, fils d’un père disparu dans la tourmente, doit choisir parmi huit cercueils aux corps non-identifiés celui qui reposera sous l’Arc de Triomphe.

Auguste Thin témoignera plus tard de son choix : « Il me vint une pensée simple. J'appartiens au 6e corps. En additionnant les chiffres de mon régiment, le 132, c'est également le chiffre 6 que je retiens. Ma décision est prise : ce sera le 6e cercueil que je rencontrerai. » Le cercueil est alors rapatrié dans la nuit à Paris et, exposé sous l’Arc de Triomphe, devient un lieu de pèlerinage.

Le 28 janvier 1921, le caveau définitif étant terminé, le cercueil y est descendu dans une cérémonie sobre, à laquelle assistent seulement les maréchaux et quelques membres du gouvernement. Pendant deux ans, une simple dalle de granit où sont gravés ces quelques mots : « ICI REPOSE UN SOLDAT FRANÇAIS MORT POUR LA PATRIE 1914-1918 » signale la tombe du Soldat Inconnu aux passants. Mais le 11 novembre 1922, 400 drapeaux des régiments dissous viennent s’incliner devant cette dalle sacrée. Gabriel Boissy, journaliste à L'Intransigeant, lance l'idée d'une "flamme du souvenir", perpétuelle, sur la tombe du soldat inconnu. Deux ministres André Maginot à la Guerre et Léon Bérard à l’Instruction publique, secondés par Paul Léon, directeur des Beaux-Arts reprennent ce projet. Le plan de l’architecte Henri Favier est retenu et exécuté par Brandt. La Flamme surgit  de la gueule d’un canon braqué vers le ciel encastré dans un bouclier renversé dont la surface ciselée est constituée par des épées formant une étoile. La flamme est allumée pour la première fois sous l'Arc de triomphe le 11 novembre 1923 par André Maginot.

Chaque jour elle sera ranimée par le même geste rituel des délégations d’anciens combattants ou d’éminentes personnalités ; et plus récemment, par diverses associations, écoles, corporations professionnelles… L’Arc sous lequel défilait les troupes de la victoire du 11 novembre 1919 devient alors l’Autel de la Patrie.

Un cérémonial en constante évolution

Dès les premiers ravivages, une association d’anciens combattants est créée, chargée d’entretenir le cérémonial chaque soir, c’est le Comité de la Flamme. Les premières cérémonies sont sobres : recueillement puis ravivage. Suivant l’importance de la délégation, le cortège peut défiler sur les Champs-élysées , musique militaire en tête, ou, commencer du bas de la place de l’étoile au son d’une marche tambour. C’est lors du ravivage du 14 juillet 1931 que fut interprété pour la première fois la sonnerie Aux Morts.

Par la décision ministérielle n°10297/DEF/C/K du 4 mars 1976, la cérémonie se termine par Honneur au Soldat Inconnu, composition de l’adjudant-chef Armand Thuair de la Brigade des Sapeurs-pompiers de Paris. Mais cette sonnerie est d’un niveau très moyen. Dans les années 1970, un magnifique arrangement de cette sonnerie pour harmonie fut enregistré par la Musique de l’air, financé par le Comité de la Flamme, afin de présenter le rituel.

Puis, au cours de l’année 2000, le général Combette, alors Président du Comité de la Flamme a souhaité une nouvelle sonnerie spécifique marquant le début et la fin de cette cérémonie. Au mois de septembre, la mission de composer cette sonnerie a été demandée au directeur du Conservatoire Militaire de Versaillles Satory. Deux sonneries, l’une par le Directeur des études, le Chef de Musique des Armées le Lieutenant-colonel François-Xavier Bailleul, l’autre par le Tambour-major instructeur, spécialiste du cérémonial, l’Adjudant-chef Jean-Pierre Brisson. Après audition par le général Combette accompagné de membres du comité, c’est cette dernière qui a été retenue.

Le 16 octobre 2000, la sonnerie La Flamme a été jouée pour la première fois par la Musique de la garde républicaine, dirigée par le Commandant Gable, à l’occasion de la commémoration nationale du Souvenir des victimes de la Guerre d’Algérie. Depuis, cette sonnerie est jouée lors de la montée et de la redescente des présidents de cérémonies du bas de la place de l’Étoile jusqu’à la dalle sacrée.

Tout au long de l’année, en dehors des cérémonies auxquelles participent les musiques militaires, les sonneries sont assurées, les mois pairs par un tambour et un clairon de la Musique de la gendarmerie mobile, et les mois impairs, par ceux de la garde républicaine. Après la Seconde Guerre mondiale, les batteries et sonneries semblent avoir été assurées par un clairon et un tambour du Comité de la Flamme.

Voici le déroulé d’un ravivage :

Il est probable que ce cérémonial évolue encore. Le Comité de la Flamme archive tous les livres d’or depuis 1923 dans son local, ainsi que de nombreuses photos. En prenant attache auprès du comité, des musiques civiles peuvent aussi participer au ravivage.

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