La fanfare principale de l’arme blindée cavalerie
(1994-1999)


par le Colonel Thierry Noulens.


L’année 2024 sera celle, à la fois, du 30e anniversaire de la création de la fanfare principale et du 25e anniversaire de sa dissolution. Au cours de sa brève existence, cette formation musicale traditionnelle, patrimoine vivant de l’armée de Terre et de la cavalerie blindée française, a été un outil de rayonnement exceptionnel pour le commandement et un facteur de développement de l’esprit de corps et de cohésion de l’Arme.

Elle fut formée par transformation de la fanfare de l’EAABC qui avait été remise sur pied après la Deuxième Guerre mondiale et qui était devenue la référence de toutes les fanfares régimentaires de l’Arme. La fanfare principale de l’ABC avait cette unique particularité de pouvoir assurer ses services aussi bien à cheval qu’à pied que ce fût de pied-ferme ou en défilant à la tête de l’Ecole. Elle fut mise sur pied par la volonté du commandement et grâce à une implication personnelle et sans faille de son trompette major, le lieutenant Éric Conrad, aujourd’hui capitaine en retraite.

Comme sous la Monarchie, du temps des capitaines-propriétaires, il mit à la disposition de l’Ecole son matériel et ses cinq chevaux lusitaniens personnels. Pour diriger la fanfare, il montait l’un de ses entiers de robe grise et en avait attribué deux autres bais, l’un au timbalier et l’autre au porte-fanion. Dans les rangs figuraient ses deux juments alezanes. Lampion, le poney shetland mascotte de la fanfare, lui appartenait également. Il avait en outre fait l’acquisition, avec ses deniers personnels, du harnachement réglementaire modèle 1874 et 1882, des tapis de selle du trompette-major et du timbalier, des timbales et de leurs tabliers, ainsi que de certains instruments rares comme les trompettes contre basse. Le Comité du Carrousel avait financé la réalisation des tenues de tradition qui s’inspirait à la fois de la tenue portée par les trompettes de Saumur avant 1914 et de la tenue modèle 1931 d’officier. La quarantaine d’exécutants qui formaient la fanfare portaient tous le galons de fonction tricolore réglementaire sur les manches et au col de leurs vestes et le trompette major un galon en argent tissé en « cul de dé » correspondant à la fonction qu’il exerçait. Ces galons de fonction marquaient la différence qui existait entre les trompettes, qui étaient des combattants, et les musiciens commissionnés professionnels qui n’avaient aucune fonction opérationnelle et portaient une lyre. Cette distinction avait encore un sens car tous les membres de la fanfare de Saumur devaient, en plus de leur service musical, assurer une autre fonction au sein de l’Ecole. En somme, la fanfare principale de l’ABC, avait été mis pied à moindre coût pour les finances publiques et les ressources humaines de l’armée de Terre au regard des services rendus.

Les trompettes assuraient également un service individuel que ce fût pour accompagner un piquet d’honneur ou pour l’exécution des sonneries de quartier. En semaine, plus d’une vingtaine de ces sonneries étaient exécutées par le trompette de service du Réveil à l’Extinction des feux. En outre, les couleurs en fanfare étaient assurées tous les premiers mercredis du mois dans la cour de l’Ecole. Les cérémonies traditionnelles de l’Ecole, comme l’adoubement des lieutenants, le Carrousel, et les cérémonies de commémorations nationales et les nombreuses prestations extérieures, comme celles données lors des galas le cadre Noir, donnaient à la fanfare l’occasion de faire connaître le riche patrimoine traditionnel de la cavalerie française à des milliers de spectateurs de la société civile. Ces mélodies exécutées exclusivement avec des instruments naturels en mi bémol qui sont les seuls qui devraient être employés dans l’ABC avec ce style si enlevé et dynamique qui en fait l’une des expressions de l’esprit cavalier. La fanfare enregistra plus de 600 titres, dont bon nombre de créations nouvelles, qui furent regroupés dans une vingtaine de CD édités par la maison Corelia. Encore une fois, seule l’implication personnelle et financière du trompette major permit la réalisation de ce résultat pour le moins exceptionnel. Malgré ses brillants résultats et les services qu’elle rendait à l’institution à peu de frais, la fanfare principale de l’ABC fut dissoute le 1er juillet 1999. Des solutions avaient portant été étudiées pour la maintenir malgré la suspension du service militaire. Il existait encore de nombreux sous-officiers « trompette major » ou d’EVAT « trompette » dans l’ABC qui ne servaient plus en tant que tel suite à la dissolution des fanfares régimentaires. Le colonel Perez, commandant en second de l’école, avait préparé un plan de fanfare professionnalisée à 17 exécutants en double qualification mais il fut finalement décidé de transférer la fanfare au 2e RD de Fontevraud qui reçut en dotation les instruments de l’Ecole. Malheureusement, cette fanfare ne vit jamais le jour car trop d’EVAT qui avaient signé un contrat pour servir à Saumur le résilièrent. Les instruments furent finalement cédés gracieusement à une formation musicale civile qui en avait fait la demande au Ministre.

Aujourd’hui alors qu’il ne reste plus qu’une seule fanfare de cavalerie dans l’armée de Terre, celle du 1er RHP, ceux qui ont servi il y a 25 ans dans la fanfare principale de l’ABC peuvent être légitimement fiers d’avoir œuvrer efficacement au rayonnement de l’armée de Terre et d’avoir su maintenir, au cours de ce bref sursis de cinq ans, l’expression la plus emblématique de l’esprit cavalier.

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