Les orchestres de la garde nationale parisienne

par Axel Chagnon

Détenteur d’un diplôme d’études universitaires générales en sciences humaines et arts, mention Histoire, et musicien à la musique de la gendarmerie mobile, je me suis toujours intéressé à l’histoire de la musique militaire, et de ses liens avec la musique classique. J’ai eu l’occasion de travailler aux Archives de la Ville de Paris, où j’ai accédé à des archives et des documents historiques concernant le répertoire de la garde nationale parisienne. Dans le but de faire revivre ces partitions, j’ai fait de nombreux arrangements. Parallèlement à ce travail, je me suis passionné par l’histoire de ces orchestres. J’ai pris conscience que cette histoire était intimement liée à l’Histoire de France, à sa vie politique et musicale. Ces musiques, dont l’activité peut paraître éphémère, s’inscrivent dans un courant beaucoup plus large. Les grands compositeurs du XIXe siècle ont été presque tous liés à la garde nationale.
Je me suis heurté à une difficulté : peu de sources. Si l’on trouve de nombreuses recherches sur la garde nationale parisienne, il n’y a rien sur la musique. Théophile Denis publia un livre intitulé Le corps de musique de la ville de Douai (musique de la garde nationale), notice historique à Douai, imprimerie de V. Wartelle, en 1862, seul ouvrage sur une musique de la garde nationale connue. Une approche intéressante peut être l’étude des orchestres d’harmonie municipaux, parfois descendants des musiques de la garde nationale, que cela soit à Paris ou en province. Patrick Peronnet obtint sa thèse en musicologie avec Les enfants d'Apollon. Les ensembles d'instruments à vent en France 1700 à 1914 : Pratiques sociales, insertions politiques et création musicale, sous la direction de Danièle Pistone, et soutenue en 2012 ; et Thierry Bouzard en Histoire, avec Les usages musicaux dans l'armée française de 1815 à 1918, sous la direction de Xavier Boniface, en 2011. Quant aux archives administratives, elles sont plutôt rares. Des cartons sur les musiques se trouvent aux Archives de Paris, mais les documents sont datés des années 1860. Heureusement, Constant Pierre, membre du secrétariat du Conservatoire de Paris à partir de 1881, publia une série d’ouvrages sur les premières années de l’établissement, et donc sur la musique de la garde nationale parisienne. Il m’a fallu consulter plusieurs ouvrages et journaux, à la Bibliothèque Nationale de France, pour relever des passages dans lesquels ces orchestres militaires étaient cités.
Or, si ces musiques n’avaient pas existé, il n’y aurait peut-être pas eu de conservatoires, de Jean-François Gossec, d’étienne Nicolas Méhul, peut-être pas de Paul Taffanel ou d’autres musiciens de renom…
Le texte ci-dessous continuera d'évoluer au fil des archives que je trouverais.

Menu :

➜ Introduction
➜ L’origine militaire des orchestres d’harmonie (1762-1789)
➜ La création de la musique de la garde nationale et ses premières manifestations (1789-1793)
➜ La création de l’Institut National de Musique et la fin de l’orchestre (1793- 1795)
➜ Peu d’archives… (1814-1845)
➜ Grandeur et fin des musiques de la garde nationale parisienne (1845-1870)
➜ Compositeurs et chefs d’orchestre
➜ Des musiciens talentueux
➜ Conclusion
➜ Bibliographie

Introduction

En 2016, la France forme de nouveau une garde nationale, somme des réserves opérationnelles de premier niveau des armées, des formations rattachées de la réserve opérationnelle de la Gendarmerie nationale, et de la réserve civil de la police nationale. La garde nationale tient ses origines de la Révolution française : elle consistait en une milice de citoyens formée dans chaque ville, comme celle de Paris créée en 1789. Elle rassemblait les milices bourgeoises qui s’étaient mobilisées à l’annonce du renvoi de Jacques Necker par Louis XVI, ministre d’état, ayant le soutien indéfectible de l’opinion publique ; et d’une concentration de militaires autour de la capitale. Ces forces étaient placées sous le commandement du marquis de La Fayette. Destinées au maintien de l’ordre public et à la protection des municipalités sous les tutelles desquelles elles étaient placées, elles participèrent à de nombreux combats populaires, jouant un rôle politique prépondérant, jusqu’à leur dissolution, en 1871. Comme tous les régiments d’infanterie du XIXe siècle, les gardes nationales possédèrent aussi leur musique militaire.

La musique de la garde nationale parisienne était composée de certains des meilleurs instrumentistes à vent français et des meilleurs compositeurs. Actifs à l’Opéra de Paris, au Théâtre des Italiens, aux Concerts Lamoureux ou de Musard, au Cirque d’Hiver, au Gymnase militaire, professeurs du Conservatoire de Paris ou élèves émérites, compositeurs de renom, une grande partie d’entre eux rejoignaient ses rangs. Ils participaient aussi bien aux fêtes de la Révolution qu’à des hommages funèbres, des défilés militaires, où des concerts en plein air. Nul doute qu’un rassemblement de cette élite musicale devait être impressionnant ! Les musiciens jouaient aussi un rôle social important, apportant la musique aux différentes classes sociales parisiennes, de l’aristocratie au prolétariat en passant par la bourgeoisie. Elles participaient à la diffusion de la culture, rôle dévolu aujourd’hui à la radio ou à la télévision. La musique, pratiquée ou entendue, n’est plus seulement réservée à une élite. Les plus grands « tubes » de l’époque, pour beaucoup, des ouvertures d’opéras, résonnent alors dans les jardins ou sur les places parisiennes, ce qui vaudra aux musiciens un profond soutien de la population.

Dans un premier temps, nous verrons dans quelles conditions fût créée la musique de la garde nationale parisienne et le Conservatoire. Ensuite nous mettrons en perspective l’histoire de la Ville de Paris à travers ces orchestres, et les troubles politiques qui amenèrent à sa suppression.

L’origine militaire des orchestres d’harmonie (1762-1789)

Depuis le début du XVIIIe siècle, les musiques militaires n’avaient eu qu’un sort précaire et une organisation facultative, selon les bons plaisirs des chefs de corps et la générosité des officiers. D’autre part, le nombre des exécutants était restreint, une dizaine tout au plus. En 1762, le maréchal duc de Biron, colonel des gardes françaises, obtient du roi l’autorisation de créer le premier orchestre militaire réglementaire :

S.M. a accordé à ſon Régiment des Gardes une Musique composée de 4 Bassons, 4 Cors de Chaſſe, 4 Hautbois & 4 Clarinettes.MM. de Montandre-Lonchamps, et le chevalier de Montandre puis [René-Louis] de Roussel, État militaire de France pour l’année 1763, sixième édition, Paris, Guillyn, 1763, p. 173.
Décembre 1764 Gardes françaises 4 bassons 4 hautbois 4 cors de chasse 4 clarinettes 16 musiciens

L’ordonnance du 19 avril 1766 étend l’initiative à toute l’armée, instituant les premiers orchestres régimentaires de l’armée française :

Art. 3. A commencer du même jour 1er juin, il sera établi dans chaque bataillon des régimens de quatre, de trois, & de deux bataillons, deux clarinets & un fifre ; & dans chaque régiment d’un bataillon, quatre clarinets & un fifre, lesquels ne feront pas nombre dans aucune compagnie, & seront attachés à la suite de l’état-major de chaque bataillon.
Art. 4. Les dists clarinets et fifre, jouiront chacun, par jour, de dix sous huit deniers, lesquels leur seront payés comme la solde, on leur déduira le linge & la chaussure ; ils porteront l’habit uniforme du régiment, avec une marque distinctive, telle qu’elle sera fixée dans le règlement général de l’habillement & de l’équipement des troupes ; & les quatre deniers pour livre de leur solde, seront retenus sur les appointemens du colonel.
19 avril 1766 Régiment à 1 Bat 4 clarinettes 1 fifre 1 Bat (5 musiciens) Et pour un régiment comprenant entre deux et quatre bataillons : Régiment à 2-3-4 Bat 2 clarinettes 1 fifre 2 Bat (6 musiciens) 3 Bat (9 musiciens) 4 Bat (13 musiciens)

Ces musiciens n’ont pas pour mission la distraction de la troupe, qui doit se contenter de ses propres moyens, mais ils sont affectés à l’état-major, aux ordres du colonel. Cette disposition marque d’emblée le rôle particulier de ces orchestres : le cérémonial et le prestige de l’armée. Ils montrent la place que prend la musique dans la population. Elle devient un outil de communication, encore balbutiant puisque les instrumentistes sonnent tellement mal en plein air, que Rousseau écrira dans son Dictionnaire de la musique, publié en 1768 :

C’est une chose à remarquer, que, dans le royaume de France, il n’y a pas un seul trompette[2] qui sonne juste, et la nation la plus guerrière de l’Europe a les instruments militaires les plus discordants.Edmond Neukomm, Histoire de la musique militaire, Librairie militaire de L. Baudoin & Cie, Paris, 1889, p. 16.

La Marche tactique, marche militaire composée en 1767, enrichit la partition de la batterie de la Marche (pour fifres ou hautbois, et tambour, qui étaient des soldats, et non des musiciens), d’une partition pour orchestre militaire (2 hautbois, 2 clarinettes, 2 cors et 1 basson). On ne retrouve pas les instruments de l’ordonnance de 1766, mais ceux de l’orchestre des gardes françaises à l’orchestration plus riche. Il est donc probable que les orchestres régimentaires prenaient quelques libertés avec les prescriptions de l’ordonnance pour intégrer d’autres instruments, offrant ainsi une plus grande richesse de sonorités.
Par la suite, la musique des gardes françaises s’augmenta de fifres ou flûtes piccolo, et de serpents comme l’atteste un mémoire de réparation de fourniture au premier semestre 1789. Certains écrivains supposent même la présence de deux cymbaliers « nègres »[4] qui sonne juste, et la nation la plus guerrière de l’Europe a les instruments militaires les plus discordants.J. Quicherat, Histoire de costume en France depuis les temps les plus reculés jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, Deuxième édition, Librairie Hachette, 1877.. En juillet 1788, la musique comprenait vingt-quatre musiciens et au mois de juin 1789, ce nombre est porté à trente-deux. Il y avait en plus des musiciens surnuméraires et des élèves en apprentissage dans une sorte d’école fondée vers 1784. Les musiciens avaient l’autorisation d’exercer leurs talents dans des salons privés. Le régiment des gardes françaises participa activement à la Révolution et à la prise de la Bastille, mais l’intervention des musiciens n’est pas précisée. Le régiment sera réformé le 31 août 1789. En 1783, Louis-Sébastien Mercier, dans son Tableau de Paris, évoquait la musique des gardes françaises, en termes enthousiastes :

Musique des gardes françaises.
Musique militaire que l’on emploie depuis peu dans plusieurs cérémonies publiques. Le colonel permet que ses soldats-musiciens exercent leurs talents dans toutes les maisons honnêtes où ils sont désirés. Dans les beaux jours de l’été la musique des Gardes donne des sérénades sur le boulevard, le peuple accourt, les équipages se pressent, et tout le monde se retire très-satisfait. Cette musique imprime au régiment une distinction qui le fait chérir. Autrefois ce régiment était comme avili par son indiscipline & sa mauvaise conduite ; aujourd’hui, il est considéré. Son colonel l’a totalement métamorphosé, & ces mêmes soldats, qui commettoient une infinité de désordres, sont devenus honnêtes & utiles. Rien n’est plus propre à attacher le soldat à son métier qu’une musique militaire. On a trop négligé parmi nous la musique militaire ; nous n’avions pas, il y a vingt-cinq ans un seul trompette qui jouât juste, pas un seul tambour qui battit en mesure, pas une clarinette qui ne fût fausse. Aussi, durant les dernières guerres, les paysans de Bohème, d’Autriche & de Bavière, tous musiciens nés, ne pouvant croire que des troupes réglées eussent des instrumens si faux & si discordans, prirent tous nos vieux corps pour de nouvelles troupes qu’ils méprisèrent ; & l’on ne saurait calculer à combien de braves gens des instrumens faux & des musiciens ignares ont coûté la vie. Tant il est vrai que, dans l’appareil de la guerre, il ne faut rien négliger de ce qui frappe les sens. Et si, comme le dit l’abbé Raynal, le roi de Prusse a dû quelques-uns de ses succès à la célérité de ses marches, il en doit aussi plusieurs à sa musique vraiment guerrière.Louis-Sebastien Mercier, Tableau de Paris. Nouvelle Édition Corrigée & Augmentée, Amsterdam, S.E., 1783, Tome V, P. 207-208. cité par Patrick Peronnet, Les enfants d’Apollon, Thèse de Doctorat, Université Paris- Sorbonne, 2012, p. 111.

La population est avide de musique et ne demande qu’à être séduite. Les autorités politiques l’ont bien compris, mais ne peuvent pas répondre correctement à cette attente.

La création de la musique de la garde nationale et ses premières manifestations (1789-1793)

Les ouvrages de Constant Pierre[7] sont des sources incontournables pour étudier cette période[8]. Bien que le sujet de ses recherches soit axé sur le Conservatoire, il aborde très précisément la création et les débuts de la musique de la garde nationale parisienne, qui mènera à la création de l’institution.
En 1789, lors de la création de la milice bourgeoise soldée, par Gilbert du Motier, marquis de La Fayette, dit « La Fayette », comprenant les gardes françaises qui se trouvaient alors sans emploi (à la différence de la garde nationale non-soldée composée de citoyens), les musiciens du dépôt des gardes françaises menés par Bernard Sarrette offrent leur service au Comité militaire de la Municipalité de Paris afin de composer un orchestre de quarante-cinq musiciens. Comme sous l’Ancien Régime, les musiciens sont entretenus par celui qui les commande : Bernard Sarrette. Or, d’origine modeste, il n’a pas les moyens de les entretenir très longtemps. C’est alors que le 4 mai 1790, le bureau de la ville de Paris décide de prendre en charge les frais de la musique et de rembourser Bernard Sarrette des dépenses effectuées jusqu’à présent. Le corps de musique est porté au nombre de soixante-dix musiciens pour continuer à faire le service de la garde nationale et celui des fêtes patriotiques. Le 1er octobre 1790, il est décidé de la location d’une maison située au 11 rue Saint-Joseph à Paris, quartier où se trouve aujourd’hui le site de la Bibliothèque Nationale de France à Richelieu. Malheureusement cette maison n’existe plus et a été remplacée par un immeuble haussmannien. On sait que le 4 octobre 1790, grâce aux frais de participation, la musique joue à la cérémonie funèbre du 20 septembre au Champ-de-Mars en l’honneur des 1 100 victimes de la révolte de Nancy[9].
Pompe funèbre au Champ de la Fédération le 20 septembre 1790, en l'honneur des soldats citoyens morts à Nancy, estampe non identifiée, source Gallica, 1790

Arrêtons-nous un instant sur la vie de Bernard Sarrette. Il est né à Bordeaux le 27 novembre 1765 et mort à Paris le 13 avril 1858, est un officier et administrateur français, connu surtout comme le fondateur du Conservatoire de Paris, dont il fait partie du directoire, de 1796 à fin 1814. Fils de Jean Sarrette, cordonnier de Bordeaux et de Marie Orcival, Bernard Sarrette était monté à Paris où il exerçait dans la comptabilité. Acquis immédiatement à la Révolution française, il s'engage aussitôt dans la toute nouvelle garde nationale. Au moment de la Première Restauration, Bernard Sarrette est révoqué le 17 novembre 1814. Ses idées révolutionnaires et ses origines modestes ont sans doute joué en sa défaveur, ainsi que le fait qu'il n'était pas musicien. Rétabli pendant les Cent-Jours, Bernard Sarrette est définitivement destitué le 18 décembre de la même année. Il passe les quarante-quatre dernières années de sa vie dans une sorte de disgrâce. Il était l'époux de Marie-Catherine-Pélagie Maillère, fille de Gabriel Maillère, (contrat de mariage le 9 mai 1791, Maître Guillotte, notaire à Rouen). Il est inhumé au cimetière de Montmartre (30e division). Sur sa tombe on note le nom du compositeur Charles-Simon Catel (1773–1830).
Malheureusement, l’absence d’un registre dans lequel auraient été inscrits les noms des quarante-cinq premiers musiciens, ne permet pas de connaître les membres d’origine de la musique.
Portrait de Gilbert Motier, marquis de La Fayette, en uniforme de lieutenant-général de 1791, peint par Joseph-Désiré Court en 1834.
Au mieux, nous pouvons trouver quatre noms dans l’ouvrage de Constant Pierre, Le Conservatoire national de musique et de déclamation. Documents historiques et administratifs :
Louis-François LEFEVRE, entré aux gardes françaises le 24 mars 1784, puis à la garde nationale le 1er septembre 1789. Jean MERIC, clarinettiste aux gardes françaises, puis à la garde nationale le 1er septembre 1789.
Philippe, Melchior WIDERKEHR à la garde nationale le 1er septembre 1789.»
Jean-Xavier LEFEVRE, clarinettiste aux gardes françaises le 7 juillet 1778 ; deviendra sous- maître de musique à la garde nationale le 1er avril 1790.
Malgré cette absence d’archives, la musique des quarante-cinq musiciens est alors le plus grand orchestre d’harmonie de son temps, et aurait déjà commencé à participer à plusieurs cérémonies dans Paris dès 1789. Il semblerait que la première cérémonie fût celle du 9 août, jour de la première sortie de la garde nationale en armes et en uniforme. On y entendit des « musiques militaires »[10] ; le lendemain, le 10, des processions traversent Paris escortées par des gardes avec tambours et « musique ». Une députation composée du Maire et des représentants de la Commune se rend à Versailles, le 25 août, accompagnés de cent cinquante hommes de la garde nationale et de douze musiciens[11], mais rien n’indique s’il s’agit de la phalange de Bernard Sarrette.
La musique fut très vraisemblablement à la cérémonie de la bénédiction des drapeaux de la garde nationale à Notre-Dame de Paris, le 26 septembre 1789. Les comptes de dépenses nous apprennent que Jean-Baptiste Rey, maître de musique de l’Opéra, reçut 2 626 livres et 6 sous pour les musiciens employés sous sa direction ; 516 livres furent répartis entre 43 autres musiciens, à raison de 12 livres chacun.
Pour l’année 1790, les hypothèses cessent : le 26 janvier, on échangea les drapeaux des anciennes gardes françaises contre ceux de la Commune ; la musique de la garde nationale ouvrait la marche. Elle assista au Te Deum du 14 février à Notre-Dame.
La tutelle du district allait bientôt cesser. Le 4 mai 1790, le Bureau de Ville, considérant que les musiciens des anciennes gardes françaises avaient fait le service sans être attachés à aucune compagnie, autorisa, sur les observations du commandant général La Fayette, à reprendre les dépenses de la musique :

Sur présentation faite par M. (Le Coulteux) de la Noraye, que depuis la Révolution 45 musiciens des ci-devant gardes-françaises ont continué à faire le service sans être attachés à aucune compagnie, le règlement provisoire n’ayant rien statué sur la musique, M. Sarrette, citoyen du district des Filles- Saint-Thomas, sur l’autorisation de M. Le commandant-général, s’est chargé de ces musiciens. depuis cette époque, qu’il les a fait servir partout où il a été nécessaire, qu’il les a soldés, habillés et entretenus d’instruments : Le Bureau, sur les observations qui lui ont été présentées par M. le commandant-général dans une de ces séances précédentes, a arrêté que M. Sarrette présenteroit son mémoire et ses pièces justificatives de dépense au département du Domaine, et a autorisé ce département à l’acquitter après en avoir examiné tous les articles, sauf à prendre des mesures pour l’entretien futur de la musique de la garde nationale.Desmousseaux, Membre et secrétaire du bureau, in B. Sarrette et les origines du Conservatoire national de musique et de déclamation, Paris, Delalain frères, 1895, page 18.

D’après ce rapport, Bernard Sarrette semble dire que depuis dix mois il soutient, seul, la charge de la musique, ce qui n’était probablement pas le cas. Sarrette ne possédait pas une grande fortune et son statut aux gardes françaises, puis à la garde nationale n’aurait pas permis d’entretenir une musique de quarante-cinq musiciens à lui seul. Il recourut certainement à l’obligeance et au crédit de fournisseurs ou d’amis fortunés, et il s’est désigné dans les pièces officielles car les dépenses auraient été faites à son nom. à la suite de la décision de la Ville, il n’y aura plus aucun doute sur l’identité du corps de musique militaire figurant dans les cérémonies publiques. Ainsi, c’est le Journal de la Municipalité qui fournit la première preuve dans son compte rendu de la procession de la Fête-Dieu du 3 juin :

Le Saint-Sacrement était précédé d’une grande partie de la musique de la garde nationale et de beaucoup de tambours ; les sons de cette musique militaire, mêlés aux chants de l’église, formaient un concert divin et de la plus grande majesté…Journal de la Municipalité, 8 Juin 1790, page 850.

Ensuite, le programme de la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 au Champ-de-Mars, nous apprend « qu’un détachement de la garde nationale à pied, précédé de sa musique. » est présent[12]. Il est complété par une délibération recueillie dans des procès-verbaux du Comité général, autorisant les musiciens dans le jardin de l’hôtel de Richelieu pour y répéter les morceaux qu’ils devaient exécuter à cette solennité : la grosse caisse appelée « le tonnerre de l’Opéra » fut empruntée pour « l’usage de la musique, à la fédération générale du 14 juillet 1790 » comme l’atteste un certificat délivré par Gossec, le 27 mai 1791, aux deux ouvriers machinistes chargés de la transporter :
Dix juillet. M. Crettet, ayant obtenu la parole, a déclaré être chargé par M. Sarrette, commandant de la musique, de demander au Comité l’agrément, pour lundi prochain à 9 heures du matin, d’introduire dans le jardin de l’hôtel de Richelieu les musiciens qui doivent assister à la Fédération, afin de répéter les morceaux qu’ils doivent exécuter. Le Comité, délibérant sur cet objet, a accueilli la demande de M. Sarrette, et il a été arrêté que M. le Commandant du bataillon sera invité à donner une consigne pour que lundi prochain, dans le matin, les seuls musiciens puissent entrer dans le jardin.B. Sarrette et les origines du Conservatoire national de musique et de déclamation, Paris, Delalain frères, 1895, page 20.

L’Assemblée nationale décide la création d’un amphithéâtre pouvant asseoir quatre cent mille personnes, équivalent d’environ dix terrains de football, de trois arcs de triomphe décorés de figures allégoriques, sous lesquelles passèrent les processions. Il y avait un pavillon spécial pour le roi et sa cour, au-dessus duquel pendaient des drapeaux à fleur de lys. Au milieu se trouvait un temple de fleurs.

Le grand jour, une procession partant de Bastille, à sept heures du matin, emmenée par la garde nationale traversa la ville, passa les Tuileries, la place de la Ferronnerie où Henri IV fut assassiné, avant d’entrer, par un arc, dans l’amphithéâtre. La cérémonie commença par une messe célébrée par Talleyrand, puis ce dernier bénit l’Oriflamme de Saint-Denis15 et les quatre- vingt-trois bannières des départements. Puis ce fut au tour de Lafayette de prendre la direction de la célébration. La cérémonie se termina avec la première représentation du Te Deum de Gossec composée pour l’occasion. Cette œuvre représentait la fin d’une époque, et le commencement d’une autre. Elle comportait le dernier choral en latin avant plusieurs années, et le premier d’une « musique nationale ». Le journal le Moniteur du 23 juillet 1790 rapporte qu’il fut interprété par mille deux cents musiciens ; d’autres sources signalent trois cents tambours, trois cents instruments à vent et cinquante serpents. L’impact de l’exécution de la musique de Jean-François Gossec a eu de fortes répercussions. Premièrement, nous savons que la musique peut avoir un impact puissant dans les audiences en extérieur, incluant rencontres sportives, politiques ou militaires avec du public. Mais il est peu probable que les quatre cent mille spectateurs de l’arène purent entendre les différents discours ; la musique fut certainement le point culminant de cette cérémonie. Deuxièmement, le pouvoir politique remarqua l’impact des orchestres militaires sur le succès de ce premier grand festival. Peu après, le 8 août 1790, le concours d’une douzaine de musiciens était réclamé pour une fête patriotique à Ris (ancien nom de Ris-Orangis, Essonne), et le 20 septembre, ils interprétèrent la magnifique Marche Lugubre composée par Jean-François Gossec, « pour les honneurs funéraires, aux mânes des citoyens morts à l’affaire de Nancy ». C’est à cette cérémonie, dont les dépenses s’élevèrent, pour la musique, à 117 livres, que le tam-tam retentit pour la première fois dans une musique militaire française. Les partitions nous révèlent aussi un grand élargissement de l’orchestration : deux trompettes en fa, trois trombones, et une grosse caisse. C’est le premier orchestre d’harmonie européen avec autant d’instruments différents, les partitions des autres pays restant dans l’instrumentation d’avant la Révolution. La Marche lugubre est une composition extraordinaire à plus d’un titre, révélant une inspiration et dégageant une forte émotion. A l’inverse de toutes les autres marches militaires, celle-ci est fragmentée, entrecoupée de silences pesants, lesquels sont souvent terminés par le son du tam- tam, un instrument probablement jamais entendu en France auparavant. D’étranges et dramatiques harmonies ajoutèrent de grande puissance à l’œuvre. « Les notes, détachées les unes des autres, fendent le cœur » nota le journal Révolutions de Paris. Mme de Genlis, femmes de lettres, commentera le prodigieux effet des silences qui « produisent des frissons, véritable silence de la tombe »16. Ce système sera repris par d’autres compositeurs comme Bochsa dans son Requiem pour Louis XVI, créé en 1815. 15 Une bannière utilisée par Louis VI en 1124 et brandie la dernière fois à la bataille d’Azincourt en 1415. Cette innovation traduit le renouveau des orchestres de plein air : jouer dans les cérémonies publiques en extérieur révèle le manque de puissance des formations instrumentales, et le seul remède disponible est d’augmenter les cuivres et percussions. C’est ainsi que le buccin et la tuba corva, instruments d’origine romaine, dessinés par David d’après des modèles représentés sur la Colonne Trajane, sont introduits dans la musique de la garde nationale et seront enseignés dans l’école de musique. C'est la raison du succès de la Marche lugubre. Le cérémonial funèbre est le premier à être repris par les révolutionnaires, du fait de sa charge émotionnelle. La cérémonie à l'église est devenue secondaire, la priorité est aux cortèges dans les rues. Le 23 août, l’adoption de la musique par la ville de Paris est réalisée. Une maison est louée au 11 rue Saint-Joseph, pour le logement des musiciens. C’est la première fois qu’un corps de musique militaire n’est plus entretenu par une personnalité. Le montant du loyer s’élève à 3 000 livres par année. Les musiciens sont divisés en trois classes d’appointements annuels, fixé à 330, 450 et 540 livres. Somme modique, et dont le blanchissage des draps n’est pas déduit. L’année 1791 ne donna pas lieu à de nombreuses exécutions, mais elles furent plus importantes. Les cérémonies religieuses prirent fin avec le Te Deum, qui devint un chant de rassemblement national le 20 mars, chanté à Notre-Dame en actions de grâces de la convalescence du Roi, et avec les funérailles de Mirabeau le 4 avril. Le rôle des musiciens se borna encore à l’exécution de morceaux pendant la marche. Avec la translation des cendres de Voltaire au Panthéon, le 11 juillet, leur participation commença à devenir plus importante. Les réjouissances décrétées par l’Assemblée nationale pour le dimanche 18 septembre, à l’occasion de l’achèvement de la Constitution, mirent la musique au premier plan : celle-ci accompagna sur les principales places de la ville, et au Champ-de-Mars, un hymne de Gossec chanté par les choristes des théâtres de l’Opéra, de Feydeau, etc., et de la chapelle royale. Le 13 octobre suivant, l’acceptation de la Constitution fut encore célébrée en présence de la municipalité. La musique de la garde nationale s’y fit remarquer par son exécution. Le lendemain, la loi portant organisation de la garde nationale était promulguée, et nulle mention de la musique n’y était faite. Les artistes, réunis par Sarrette, voyaient leurs efforts et espérances, concernant l’assurance de leur statut de musiciens, perdus. Le 17 octobre, une députation présenta au corps municipal un mémoire dans lequel les musiciens, « en sollicitant leur conservation », soumettaient un projet d’établissement « d’une école de musique militaire qui fourniroit des sujets à toute l’armée de ligne ». Le maire répondit que cette demande serait prise avec intérêt et considération. Les anciens de la musique des gardes françaises se rappelaient peut-être leur école de musique. Les musiciens trouvèrent un appui dans le journal Chronique de Paris du 3 novembre 1791, p. 307 : La musique de la garde nationale mérite d’être distinguée par l’influence qu’elle a eue dans la Révolution. Ce seroit vouloir se refuser à l’évidence que de contester cette influence ; et ce seroit connoitre bien peu les effets de cet art tout-puissant que de croire mal employé l’argent destiné à favoriser les progrès. Si l’on en doutoit, nous citerions le témoignage imposant de M. de La Fayette qui a souvent répété qu’il devoit plus encore à la musique de la garde nationale qu’aux bayonettes. Cette musique, en effet, a eu part à toutes les cérémonies publiques, et, pour ainsi dire, à tous les actes de la Révolution. M. Gossec peut en être appelé le musicien, et M. Sarrette l’a secondé avec un zèle au-dessus de tous les éloges. Il y a, d’ailleurs, maintenant, parmi les instruments à vent de cette musique des artistes d’un talent supérieur, et il seroit peu digne d’une grande nation, ingénieuse et sensible, de laisser porter chez l’étranger des jouissances dont la liberté ne doit pas l’empêcher de sentir le prix et ne lui ôteroit pas le regret. Jean-François Gossec, Marche Lugubre, Bibliothèque Nationale de France H2.14, réutilisée plusieurs fois pour divers honneurs funèbres. Ici pour la mort du général Hoche. De son côté, Charles Villette, neveu de Voltaire, publie dans le même journal, un article intitulé « Influence de la musique » : Il falloit le zèle de ce bon citoyen (Sarrette) qui recueillit toute l’école du dépôt, lorsque ses virtuoses errans s’écrièrent, comme les Israelites : Suspendimus organa nostra [nous avons pendu nos harpes], jusqu’à ce qu’ils eussent enfin trouvé un azyle dans le sein de l’amitié. Je laisse aux bons esprits, aux âmes sensibles à finir ce commentaire. C’est à eux qu’il appartient de faire la motion patriotique et politique, par laquelle il soit établi un Conservatoire militaire qui remplaceroit à Paris les écoles supprimées dans les ci-devant métropoles. Les enfans de la garde nationale iroient gratuitement prendre des leçons de musique. Dans trois ou quatre ans, nous entendrions 5 ou 600 jeunes citoyens se réunir à leurs maîtres, les musiciens de la garde nationale, et former avec eux des concerts civiques, dignes des beaux jours d’Athènes, et faits pour attirer les peuples de l’Europe.17 Les administrateurs composant le Directoire du département répondirent au maire, le 7 janvier 1792, qu’ils ne pouvaient rien faire pour la musique, car les dépenses d’entretien étaient soumises à la municipalité, mais remarquèrent que les musiciens allaient souffrir de la suppression de la garde nationale soldée, à partir du 1er janvier 1792. La musique, considérée comme école nationale de musique militaire, ne pouvait être instituée que par l’Assemblée nationale. Bernard Sarrette et la musique se retrouvent sans existence officielle, mais continuent leur service. La charge du budget ne revint pas à Sarrette, contrairement à ce que certains affirmèrent, mais à la Ville. Plusieurs musiciens participèrent aux concerts du Lycée des Arts18. Après divers morceaux d’ensemble, dont des airs de Christoph Willibald Gluck, les musiciens François-René Gebauer, un dénommé Simon, Jean-Xavier Lefèvre et étienne Horace exécutèrent un quatuor pour deux clarinettes, cor et basson composé par François-René Gebauer ; Frédéric Duvernoy joua un morceau de cor de sa composition avec accompagnement de violon et de basse, et des airs de François-Joseph Gossec pour musique militaire, terminèrent la séance. Les journaux évoquèrent le succès obtenu par « les premiers talens de l’Europe, peut-être, en instrumens à vent » (Chronique de Paris du 23 janvier 1792, p.90). Le 15 avril 1792, ils participèrent à la Fête de la Liberté en l’honneur des Suisses de Châteauvieux, malgré l’interdiction des autorités ; puis de nombreux musiciens du corps de la musique se rendirent individuellement, devant l’Opéra, pour l’exécution des deux chœurs d’André Chénier et Jean-François Gossec (Chœur à la Liberté, Ronde nationale). La prestation attira les foudres de l’état-Major sur la musique. Des militaires ne pouvaient faire preuve d’indiscipline surtout dans cette période politiquement si troublée. Mais on les retrouve ensuite aussi bien à des fêtes du parti révolutionnaire, qu’à celui de la Constitution. Le 9 juin 1792, les musiciens virent leur démarche aboutir auprès de la Municipalité : le Conseil général de la Commune confia cent vingt élèves, fils de citoyens des soixante bataillons servant dans la garde nationale, aux musiciens pour une instruction musicale gratuite. Ceux qui n’avaient aucune notion musicale devaient être âgés de 10 à 16 ans ; les autres de 18 à 20 ans. Chaque élève devait acquérir son propre instrument, son papier à musique et son uniforme. La Municipalité ne se chargeait que du prix à décerner chaque année aux plus méritants. L’enseignement consistait en deux leçons de solfège et trois leçons d’instrument par semaine, d’une heure chacune. Les élèves devaient participer avec leurs maîtres au service de la garde nationale et des fêtes publiques, ainsi qu’à prendre part à un exercice annuel public. C’est ainsi qu’en France fut créée la première école de musique pour instruments à vents. 17 B. Sarrette et les origines du Conservatoire national de musique et de déclamation, Paris, Delalain frères, 1895, page 24. 18 Le Lycée des Arts est un établissement crée en 1793, se situant au Jardin égalité à Paris. Le corps enseignant était constitué en Directoire. Les Trois quatuors de François Gebauer, Bibliothèque Nationale, A34.030 Première livraison des Musiques à l’usage des fêtes nationales – Station au Temple de Melpomêne [sic], Pour la translation des cendres de Voltaire, an II de la République. La partie de clarinette semble être dans une mauvaise tonalité. Elle serait plutôt en Si♭. L’école fut installée au dépôt de la musique, rue Saint-Joseph. Sa mission était la formation de musiciens destinés aux armées. Mais la musique, parfois avec la participation des élèves, continua son activité musicale aux différentes fêtes nationales, comme celles du 14 juillet, du 26 août, du 14 octobre… De quarante-cinq musiciens à sa création, l’effectif fut porté à soixante-dix-huit en 1790, réduit à cinquante-quatre en 1792 avec l’incorporation d’une partie des musiciens dans divers corps de la garde nationale, mais aussi des musiciens présents dans des orchestres comme celui de l’Opéra de Paris. Constant Pierre compense le manque d’archives de cette période, par un recoupement minutieux des différents papiers de l’école. Ainsi il put en reconstituer la composition de 1792 en indiquant la solde attribuée suivant les grades : Capitaine, commandant, 3 500 livres : SARRETTE Bernard Lieutenant, maître de musique, 2 500 livres : GOSSEC François Sous-maître de musique, 1 500 l. : LEFèVRE Jean-Xavier, clarinette Sergent-major, 1 400 l. : VINET Michel-Joseph, secrétaire Sergents, 1 100 l. : BUCH Antoine, cor ; DELCAMBRE Thomas, basson ; DEVIENNE François, flûte Caporaux, 1 000 l. : MERIC Jean, clarinette ; SIMONET François, basson ; WIEDERKEHR Philippe, trombone (entrée en 1789) Professeur de 1re classe, 850 l. : ASSMANN Ernest, timbales, clarinette, solfège ; BLASIUS Ignace, basson (?) ; BRIELLE [prénom inconnu] (remplacé le 17 juin 1794 par CHERUBINI Luigi, composition) ; CATEL Charles, compositeur, solfège, harmonie ; CHELARD André, solfège, clarinette ; DUVERNOY Charles, clarinette ; DUVERNOY Frédéric, cor ; FUCHS Georges-Friedrich, clarinette, solfège ; GALLET André ; GARNIER Joseph ; GERBER Mathias, clarinette (?) ; GUTHMANN François, trompette, solfège ; HERVAUX Charles, cor (?); HUGOT Antoine, flûte ; KENN Joseph, cor ; LEFèVRE Louis, clarinette, LEROUX Gabriel, MATHIEU Jean, serpent, OZI étienne, basson ; PAGNIEZ Jacques, solfège ; SCHNEITZHOEFFER Jacques, flûte et hautbois ; SCHWENT Guillaume, cor et solfège ; SCHWENT Philippe ; SIMROCK Henri, cor et solfège ; SOLèRE Pedro étienne, clarinette ; STIGLITZ Georges ; TULOU Louis (?), basson ; VANDERBROECK Othon, cor et solfège ; VAUCHELET Nicolas, trompette (?) ; VEILLARD Gaspard, serpent et basson. Professeur de 2e classe, 700 l. : ADRIEN Ferdinand, solfège ; DELCAMBRE Pierre ; GEBAUER Michel-Joseph, basson ; HORACE étienne ; JéRôME P.-Claude ; LALOIRE Marie ; LAYER Antoine, clarinette ; LE GENDRE Arnauld, solfège et clarinette ; PAILLARD Jean, cor (?) ; Professeur de 3e classe, 600 l. : ANGéE Pierre ; HARDOUIN Gabriel, trompette ; MIOLAN Félix, hautbois (?) ; PAOCHER François ; ROCHETIN Nicolas ; SARAZIN P.-Marie, basson ; SCHREUDER Frédéric ; HOSTIé Jean-Marie, décédé le 13 mai 1794, remplacé par Charles DURET) L’effectif de la musique, et enseignants de l’école, se composait donc des quatre administrateurs et de cinquante-quatre exécutants. Certains noms sont restés dans les annales de la musique. Sont adjoints treize personnels supplémentaires le 21 novembre 1793 et en 1795 de quelques professeurs de l’école de chant, jusqu’aux restrictions budgétaires de l’an VIII (1799 à 1800). 3. La création de l’Institut National de Musique et la fin de l’orchestre (1793-1795) Le 18 brumaire an II (8 novembre 1793), une députation du Conseil général de la Commune de Paris, suivie de tous les musiciens de la garde nationale, le tout mené par Bernard Sarrette, fut reçue à la Convention. Un officier municipal, Baudrais, annonça à la Convention que le chef de la musique militaire allait lui présenter une pétition, approuvée par le Conseil général de la Commune qu’il venait appuyer : Les artistes de la musique de la garde nationale parisienne, dont la réunion et le nombre présentent un ensemble de talens unique dans l’Europe, viennent solliciter de votre amour pour tout ce qui peut contribuer à la gloire de la République, l’établissement d’un Institut national de musique. L’intérêt public, lié à celui des arts, doit vous faire sentir toute l’utilité de leur demande. C’est une justice due à leur civisme autant qu’à leur humanité. Ces artistes, depuis 10 mois, ont consacré leurs soins et leurs talens à former de jeunes enfans pris parmi les citoyens les plus pauvres de chaque section.19 Le discours fut suivi de l’exécution d’une marche guerrière qui « excita le plus vif enthousiasme ». Puis Bernard Sarrette lut la pétition : Représentants du peuple, La musique de la garde nationale parisienne, formée par la réunion des premiers artistes de l’Europe dans le genre des instruments à vent, sollicite l’établissement d’un Institut national de musique, dans lequel, sous les auspices de la République, ces mêmes artistes puissent accroître et perpétuer les connaissances que l’étude leur a fait acquérir. L’intérest public, intimement lié à celui des arts, réclame impérativement en leur faveur la protection nationale. Il doit l’annéantir enfin, cet engourdissement honteux, dans lequel ils furent plongés, par la lutte impuissante et sacrilège du despotisme contre la liberté. Elle est victorieuse ! son triomphe doit être dans nos fastes, l’Europe assurée de la Renaissance des beaux-arts, dont est l’essence. L’un deux, qui dans les combats soutient et anime par ses accents l’énergie des deffenseurs de l’égalité, la musique, ornera ce triomphe et dans le calme bienfaisant de la paix en célébrera le souvenir. L’âme des Français, rendue à sa grandeur première, ne doit plus être amolie par des jours efféminés dans des salons ou dans des temples consacrés par l’Imposture. La divinité tutélaire de la République est la liberté, son empire est l’univers ; c’est sous la voûte céleste que doit se célébrer son culte. Des vastes arènes, des places publiques, doivent être désormais les salles de concert d’un peuple libre. Les musiciens de la garde nationale réunis se présentent sous deux aspects principaux d’utilité : Institut national et exécution dans les fêtes publiques. Sous le rapport de l’instruction, le résultat obtenu dans l’essai de l’école de musique formé sous les auspices de la municipalité indique sufisament ce qu’un établissement de ce genre développé par de plus puissants moyens peut devenir. C’est dans le sein de cet Institut, que se formeront les artistes si nécessaires à l’exécution des fêtes nationales ; placés au centre de la République, trois à quatre cents musiciens, distribués dans les 19 B. Sarrette et les origines du Conservatoire national de musique et de déclamation, Paris, Delalain frères, 1895, page 39. fêtes qui y seront célébrées, y imprimeront le caractère et l’énergie : ils se répandront successivement dans tous les points de la République. Les départements, comme le point central, auront aussi leurs moyens d’exécution pour solemniser les époques mémorables de notre régénération ; alors on formera plus facilement les corps de musique qui animent au combat nos phalanges républicaines. La réunion des artistes de la garde nationale formée de soi-même au milieu des orages de la Révolution, régie par les principes de la Liberté, de l’égalité, remplissant ses devoirs civiques, a néanmoins su cultiver son art et le rendre digne d’obtenir de la confiance nationale une place dans l’instruction publique ; elle ne peut être considérée comme un rassemblement académique, stagnant dans l’ignorance et la présomption ; ce sont des artistes actifs, travaillant sans jalousie et dirigés par le seul désir de porter au dernier degré les connaissances de leur art. Que la Convention nationale prononce, et l’art de la musique sera conservé par l’émulation ; la République française aura aussi son école, et nous n’emprunterons plus de l’esclave et molle Italie le mode de chant mâle et sévère qu’exige le culte sacré de la liberté ; nous nationaliserons les talents si utiles à nos fêtes publiques. L’Allemagne asservie ne sera digne de les célébrer que lorsqu’elle aura brisé d’indignes fers. Enfin, c’est dans l’Institut que non seulement on trouvera des moyens d’exécution pour les fêtes publiques ; mais encore pour les spectacles du peuple et pour des concerts publics dignes de sa grandeur. Le résultat d’une institution de ce genre sera d’autant plus précieux, qu’il fournira des chœurs de jeunes garçons et de jeunes filles, qui embelliront nos jeux et nos fêtes, lesquels alors ne céderont en rien à la magnificence des spectacles de la Grèce, dont la musique et la poésie faisaient les majestueux ornements. C’est dans une République fondée sur les vertus que la liberté règne, et le règne de la liberté est celui des beaux-arts. La Grèce libre, et ensuite dégradée sous le joug corrupteur du despotisme, atteste cette irréfragable vérité. Le dernier et le plus intéressant motif d’utilité se trouvera même dans l’emploi de ceux qui, sortant de l’Institut, seront doués d’un talent moins transcendant ; ils se transporteront au milieu de cette précieuse portion de la société, qui après s’être livrée aux pénibles travaux de l’agriculture, en se délassant célébrera les vertus et les bienfaits de la Révolution sous l’arbre sacré de la liberté. SARRETTE20 Bernard Sarrette, par Jean-Baptiste Isabey 20 B. Sarrette et les origines du Conservatoire national de musique et de déclamation, Paris, Delalain frères, 1895, page 40 et 41. Quel discours enflammé ! Sarrette ne pouvait-il pas qu’emporter la Convention ? Répondant à quelques accusations très vite démenties, la pétition fut vite adoptée sous les applaudissements de la Convention. Avant de se retirer, la musique exécuta un hymne patriotique sur des paroles d’André Chénier, défenseur des idées de la musique à la Convention, et mis en musique par Jean-François Gossec : l’Hymne de la Liberté. Puis les élèves de l’école jouèrent aussitôt une symphonie, suivie de du chant Ah ! ça ira ! La musique de la garde nationale se trouvait alors à la fois sous l’autorité de la Ville de Paris et sous celle du gouvernement. Les musiciens avaient enfin la certitude de voir consolider leur position. Afin de remercier la Convention, ils organisèrent un grand concert le décadi 30 brumaire. Dans aucun tems, Paris n’a présenté une réunion complette de talens du premier ordre, dans le genre des instrumens à vent, et jamais aussi l’on n’a rien entendu ni de plus beau, ni d’un aussi grand effet.21 Voici les œuvres jouées avec les descriptions qui les accompagnent, rapporté par ce même journal : Ouverture pour instruments à vent, par Catel, élève de Gossec, d’un caractère absolument neuf ; les effets en sont terribles. Symphonie concertante pour flûte, hautbois, cor et basson, de Devienne, exécutée par l’auteur, Sallantin, Frédéric Duvernoy et Ozi, avec une perfection telle qu’il ne serait guère possible de la supposer dans des artistes si l’on ne savait pas que l’homme est fait pour parvenir à tout, lorsqu’il ne dédaigne pas de polir les dons de la nature par un travail obstiné. Symphonie concertante pour onze instruments à vent (petite flûte, grande flûte, clarinette, hautbois, cors, bassons, serpent et contre-clairon) dans laquelle le célèbre Gossec a réuni au mérite de la difficulté vaincue celui d’avoir présenté une composition aussi mélodieuse que remplie de verve, de grâce et d’harmonie. Hymne patriotique par Catel. On a remarqué combien est favorable à l’oreille l’accompagnement de tous les intrumens à vent, dont le son plus analogue à la voix, s’amalgame avec elle, et fait mieux sentir la partie harmonique. Symphonie concertante, marche, par Catel ; marche funèbre de Gossec, O salutaris de Gossec, transcrit pour trois cors, trio pour deux clarinettes et basson par Lefèvre, la Ronde nationale et l’Hymne à la Liberté de Gossec. Le lendemain de ce concert, les Comités de Salut public et d’Instruction publique autorisaient l’adjonction provisoire de 13 artistes supplémentaires : Jean-François Lesueur, étienne Nicolas Méhul, Frédéric Blasius, Pierre Blasius, Jacques Cornu, Henry Domnich, Alexandre Hardy, Rodolphe Kreutzer, Henry Levasseur, Pierre Marciliac, Joseph Rogat, François Sallantin. Les cordes intégraient l’Institut pour la première fois, ce n’était plus seulement de la musique pour instruments à vent. La musique de la garde nationale continua les célébrations, mais la masse des archives s’appauvrit, laissant la place aux archives de l’Institut National de Musique. Le 3 août 1795, il devient Conservatoire sur la demande du député Pierre Daunou. Le Conservatoire fournit tous 21 Journal de Paris, 1er Frimaire (21 Novembre), p. 1308. les jours un corps de musiciens pour le service de la garde nationale, mais la musique est supprimée. Image de prestige de la Révolution de 1789, la musique de la garde nationale, composée d’illustres musiciens et compositeurs, rassemblés par Bernard Sarrette, tombe en disgrâce. Malgré le changement de régime et l’avènement de l’Empire, la musique n’est pas recréée. II- L’Histoire de Paris au XIXe à travers les musiques de la garde nationale parisienne (1814-1871) En 1818, la ville de Paris possédait douze légions de la garde nationale, mais nous ne savons pas si chacune de ses légions possédait une musique. Les légions, créée en 1791, réunissaient tous les bataillons de gardes nationaux d’un même arrondissement de la ville. D’abord au nombre de six, les légions passeront au nombre de douze en 1831. Le 13 juin 1851, le Président de la République, Napoléon Bonaparte, réorganise les légions en subdivisions, au nombre de cinq. 1. Peu d’archives… (1814-1845) L’existence d’une ou plusieurs musiques de la garde nationale se retrouve parfois citée dans des journaux, mais il n’y a plus d’archives officielles. Malgré cela, un journal rapporte que le dimanche 5 juin 1814, lors d’un dîner organisé par les chefs de corps de la garde nationale parisienne, en présence du Préfet de la Seine et de différents généraux français, russes, prussiens ou autrichiens, des musiciens de la musique étaient présents : Le dîner a été suivi d’un cercle et d’un concert préparé par M. le directeur du Conservatoire, capitaine commandant le corps de musique de la garde nationale Bernard Sarrette, et qui représentoit son corps au dîner. Plusieurs des artistes et des élèves des plus distingués du Conservatoire ont bien voulu assister au cercle. On sait que le corps de musique de la garde nationale est formé des compositeurs et des artistes les plus habiles de la France. M. Frédéric Duvernois (sic), sergent de cette musique, a exécuté sur le cor divers morceaux avec une perfection admirable. M. Mozin, cimbalier de la musique, n’a pas fait moins de plaisir sur le piano ; MM. Levasseur, Rigaud et Louvet, dans les solos, et MM. les élèves, dans les morceaux d’ensemble, ont chanté avec une pureté et un goût digne de l’école où ils sont formés.22 Cela ne ressemble pas à un orchestre de quarante-cinq musiciens, mais plutôt à un orchestre de chambre. La présence de chanteurs nous éloigne du rôle de la musique militaire. était-ce là les premiers musiciens présents pour la reformation de la musique ? Le 7 septembre 1814, à Paris, le commandant de la 8e légion demanda l’ouverture d’une souscription pour organiser la musique de cette légion23.Y avait-il d’autres musiques ? Nous manquons de sources sur le sujet, les journaux n’en parlant jamais. Il faut attendre un article de journal du 6 janvier 1818, dans lequel la musique de la 1ère légion participa au service funèbre du colonel Moncey, fils du maréchal d’Empire Bon-Adrien Jeannot de Moncey, à l’église Saint-Philippe-du-Roule, sous la direction de Henri-Montan Berton. Et 22 Journal des Débats Politiques et Littéraires, mercredi 8 juin 1814. 23Paris, ce 7 septembre 1814. Le chef de la 8e légion à M., Texte imprimé, Tolbiac - Rez-de-Jardin – magasin, cote 8-LF133-265. un autre article, du 25 février 1818, qui relate que la musique de la 4e légion a participé à un office religieux en l’église de Saint-Germain-L’auxerrois, exécutant un O Salutaris et un Domine Salvuum Fac Regem sous la direction de M. Chénié, chef de cette musique. Chénié était soit professeur de contrebasse au Conservatoire, soit choriste à la Chapelle royale sous les règnes de Louis XVIII et de Charles X. En 1820, Le Chevalier Louis, chef de musique militaire du 1er régiment de la garde royale, et Münchs, sous-chef de musique au 6e régiment de la garde royale, compositeurs pour harmonie réputés, éditent un journal de musique dédié aux musiques de la garde nationale, ce qui apporte une nouvelle preuve de leur existence. L’annuaire royal de 1822 présente un grand corps de musique, commandé par Luigi Cherubini, capitaine commissaire ; Ferdinand Paër, lieutenant ; Charles-Simon Catel et Henri-Montan Berton, sous-lieutenant. En 1824 un certain N… est chef de musique de la 9e légion, et en 1825, Meynard est chef de musique de la 7e légion, ce qui atteste l’existence de nombreux orchestres. Luigi Cherubini semble avoir composé une marche de la garde nationale, mais les archives de la Bibliothèque Nationale de France ne semblent pas la posséder. Luigi Cherubini (1760-1842), portrait par Dominique Ingres. Ferdinando Paër (1771 – 1839), lithographie de François-Séraphin Delpech, d’après Nicolas Eustache Maurin. Charles-Simon Catel (1773-1830), 1817, Bibliothèque Nationale de France. Henri-Montan Berton (1767-1844), par Masson, Deblois & Massard. 2. Grandeur et fin des musiques de la garde nationale parisienne (1845-1870) Il semblerait que l’existence des musiques ainsi que leur composition soient liées à la richesse de la légion, donc de l’arrondissement de Paris desquelles elles dépendaient. La musique devait jouer un rôle dans le prestige de l’arrondissement. En 1827, le corps militaire est dissous. Licenciée par Charles X en avril 1827 pour outrages et rébellion, la garde nationale est recréée en juillet 1830. François-Joseph Fétis, compositeur, professeur de contrepoint et fugue au Conservatoire, réunit en août 1830 des musiciens pour créer une musique et la mettre sous la direction de Frédéric Berr. En 1831 paraît le Nouveau manuel complet des gardes nationaux de France contenant l'école du soldat et de peloton. Un chapitre sur l’uniforme des musiciens y est consacré, page 74 : Frac bleu comme l’état-major, avec boutons à coq ; parement et collet rouges, avec un galon d’argent de huit lignes ; trèfles en argent ; pantalon comme la troupe, à l’exception d’un galon d’argent de huit lignes sur le pantalon bleu. COIFFURE : Schakos et plumet comme les chasseurs, avec galon d’argent en haut. CHEF DE MUSIQUE : épaulettes d’adjudant. L’Agenda Musical de l’année 1836 détaille la formation des douze musiques et d’une fanfare, avec le nom des musiciens et leur instrument, ainsi que leur statut : 1ère légion : Rue Neuve-de-Luxembourg, ancien hôtel des Gardes à Pied (Place Vendôme, Tuileries, 1er arrondissement) Chef : Christien L., chevalier Légion honneur Fourrier : Desblins A. Clarinettes : Bicheron, Désiré, Delattre amat., Dassonville, Garcia, Lamy, Perez-Tribour, Ronflette, Salmon amat ; Stec Flute : Leplanquais Basson : Dossion, Cosléon amat., Iung amat. Cors : Azimont, Bernard, Chartier amat., Dancla amat., Murival amat., Nagel amat., Priset amat. Vendamber Trompette : Raffard Trombone : David, Lefranc, Méret Ophicléides : Buttry, Dunand amat., Galèmre, Lance amat., Lebeau, Maurage 2e légion : Mairie rue Grange-Batelière (proche du musée Grévin, 9e arrondissement) Chef : Barizel, capitaine Mohr, sergent-major Fourrier : Brou Clarinettes : Benoit amat., Bouffil, Dacosta, Chapelier, Clément, Cuinat amat., Dufour, Jaussen, Klosé, Poisson amat., Taurin amat., Flutes : Dorus, Leblond Hautbois : Brod amat., Bassons : Colliau-Carmen, Marconot amat., Vidal amat., Serpent : Dabadie amat., Delsarte amat., Peters Ophicléides : Bacherias, Divoir Cornets : Castellaci amat, Hermanse, Carnaud amat., Alfred Musard Cors : Azimont, Nagel, Norbert, Puissant, Schneider Trompettes : Levasseur, Muller Trombones : Barbier, Charpentier, Dieppo, Faivre, Germann, Vaslin, Vincent 3e légion : Mairie place des Petits-Pères (proche Jardin du Palais Royal) Capitaine : F. Habeneck Chef : Meifred Dufrêne, sous-lieutenant Leplus, Sergent-major Clarinettes : Ador amat., Autrique, Bertheuille, Brazelli, Cavallier, Dastugue, Hugot amat., Hamler, Lamy amat., Longueville, Laindron, Mohr, Sauvageot amat., Satlas, Tolbecque Isidor amat. Petite flûte : Leplus, Forestier amat., Bassons : Leblond amat., Cors : Clapacy, Dimier, Mathon amat., Avis amat., Urbain amat., Massino-Turina Cors à pistons : Adam, Dancla L Trompette : Schiltz Cornet à pistons : Dufrêne, Jules His amat., Ophicléides : Aussandon, Garré, Paravat, Giroux amat., Trombones : Carteret, Dalibon amat., Monnier, Poussard 4e légion : Mairie place du Chevalier-du-Guet (quartier du Louvre) Landelle, Lieutenant Boisreaux, Sergent-major Clarinettes : Antheaume, Désandré amat., Florentis, Georges, Glattly, Cuerre amat., Hugot, Lecerf, Lefevre, Osmonde amat., Scetto amat., Schlins. Petite flûte : Remusai Hautbois : Léonard amat., Lemerle amat., Bassons : Julion amat., Cors : Perrin amat., Demai, Mougin, Collet amat., Heisser, Roger amat., Verrier Trompettes et Pistons : Boisreaux, Raitter Trombone : Beleuvre, Lautier, Maretz Ophicléides : Caussinus, Leudet, Marchand, Mutel, Obez 5e légion Mairie rue de Bondy (rue René Boulanger, près de la place de la République). Berr, Capitaine Fessy, Sous-lieutenant Première clarinette : Bazin, sergent-major Premières Clarinettes : Staimnetz F., Paulus, Lecerf, Neveu, Mongé, Viallon (petite clarinette) Secondes Clarinettes : Gail, Debussac, Ruffet, Guinol, Mercier Petite Flûte : Mermet Grandes flûtes : Decourcelles, Richard Bassons : Testard, Kicken, Elesban, Petit Premiers Cors : Atrapart, Norbert Seconds Cors : Duvernoy, Heisser jeune, Sollier, L’Abbaye Pistons : Forestier, Musard fils Trompettes : Kretter, Roitter Trombone : Faivre, Rensland, Barbier Ophicléides : Caussinus, Duzat, Durier, Terrien 6e légion Mairie rue Saint-Martin (près de Chatelet-les-Halles) Chef : Moudrux Petite flûte et sous-chef : Couronneau Clarinettes : petite Clarinette Buteaux, Clermont, Carnaud père, Laurent, Lecerf, Franck, Charbert, Colombel, Henricet, Rigollet, Sirot, Marie amat., Deveaux amat., Cors : Erhart, Veber fils, Jhan amat., Defrain amat., Renaudière E. amat. Cornets à pistons : Courtois amat., Vaillat amat. Trompettes : Dauverné, Gatineaux amat. Bassons : Fougas, Divoire, Leclerc amat., Leroux-Duranderie amat., Valat Trombones : Bénard père, Devise, Petit, Heimberger fils amat., Ophicléides : Guillon, Lebrun, Mutel amat., Cognet amat., Watin fils, Frans amat. Triangles : Chardon amat., Chaudessaignes amat. 7e légion Mairie rue des Francs-Bourgeois (proche de la place des Vosges) Chef : Barbereau Petite Clarinette : Buteux Petite flûte et sous-chef : Couronneau Premières Clarinettes : Lamour, Giot, Trainquier, Roquet, Codron, Gaffré Secondes Clarinettes : Stalars, Ferrand, Leclerc, Handschuh, Boucheron Petite Flûte : Petiton Trompettes : Muller père, Muller fils Cornets : Mesmer aîné, Delabarre Cors : Paquis aîné, Paquis, Poussez, Bop Trombones : Bastien, L’elhatte, Morand Ophicléides : Charramand, Garré, Marsaux, Dunand 8e légion Mairie place Royale Chef et deuxième cor : Claveau, lieutenant Hautbois et sous-chef : Triébert Clarinettes : Bertheuille, Basnard, Bidault, Caron, Durioz, Duval amat., Eck, Ferrand, Huscher amat., Hennon-du-bois, Hustinny, Lecerf, Peinte, Poulain, Roy, Savart, Scola Flûte : Henricet, Nicaise amat., Bassons : Durand, Ber amat., Corbin-St.-Marc Trompettes : Duché père, Frémont amat. Pistons : Mougin Cors : Duché fils amat., Faugère, Gaudaire, amat., Lavocat, Maillard Serpents : Barrard, Cheron, Joughmans Ophicléides : Dayet Trombones : Bertrand, Carteret, Leon, Philippon amat., Savoye 9e légion Mairie rue Geoffroy-l'Asnier (Mairie de Paris) Chef : Bauller fils, lieutenant, chef Premières Clarinettes : (solo) Bicheron, Canaud, Codron, Ficher, Macchi, Millessaigne, Pérès, Genty Secondes Clarinettes : Bauller père, Guinard amat., Marque amat., Menessier, Piègne Cors : Vadomber, Ferrière, Chateine, Ribart Pistons : Forestier jeune Trombones : German, Houdet J., Langlois amat., Mahault Trompette : Steinhaut Ophicléides : Arnault, Dunand, Marche Serpent : Sy 10e légion Mairie rue de Grenelle Chef : Klosé, lieutenant. Forestier J. M., sergent-major Fourrier : Labouche Clarinettes : Courtois, Dassonville, Dasire, Drion, Fischer, Gaffré, Handschuh, Lamour, Lamy, Paulus, Robinot amat., Salmon, Staimnetz Flûte : Forestier Hautbois : Dequevauvillier amat., Serpents : Hilyzem amat., Peters Cors : Bonnefoy, Croquez, Nagel, Urbin Trompettes : Bisetzky, Kresser Pistons : Sainsoillier Trombones : Dantonet, Petit, Reitter amat., Thierry, Vidal Ophicléides : Butry, Cacheleux, Dayet, Henricet,Leclure 11e légion Mairie rue Garancière (Saint-Germain-des-Prés) Chef : Dossion Petite Clarinette : Mohr Clarinettes : Weber, Hustiny, Romanet, Toi, Clermont père, Clermont fils, Cassignet, B…, Avoisne, [Reste de la musique illisible] Trombones : Marez, Hagemann, Simon Ophicléides : Croizier, Lecluze, Duzat, Hussaon amat., Moreaux amat. 12e légion Mairie rue Saint-Jacques (proche Jardin du Luxembourg) Chef : J.-B. Tolbecque, lieutenant Buisson, sergent-major Clarinettes : Amiette M., Autrique J., Balauny S., Dérosier L, Gard J., Mercier A., Franck, Tolbecque J., Ziegler M. Flûte : Scarzella D. Bassons : Mathieu L., Montvoisin amat., Rousseau L. Cors : Erhard P.-S., Gibson J.-A., Kunzé Ch., Leujeune amat. Trompette : Forestier Jos. Trombones : Buisson L., Demaison J.-L., Houdet E.-J. Ophicléides : Maurage L., Seyger Garde nationale à cheval place du Caroussel (Le Louvre) Chefs : Cellegari et Bougon Trompettes : Ramberg, Birkner, Daubigny, Lignié Trompettes à clefs : Delecour, Guillon, Ribault, Teenbaur Cors : Alzambre, Blin père et fils, Maon, Pollet Ophicléides : Larsillière, Limberger, Reinard Trombones : Doisteau, Guiraud. La garde à cheval formait une fanfare composée essentiellement de cuivres, et avec l’apport de la famille des saxhorns, par le génial facteur de musique Adolphe Sax, elles formeront les musiques de cavalerie sous le Second Empire, ancêtres du brass-band. Etonnamment, une partition de 1837 signale Adolphe Adam comme chef de musique de la 5e légion. Adolphe Adam s’engagea dans la musique en 1830 lorsqu’on réorganisa la garde nationale : […] De triangle, j’étais arrivé à être sous-lieutenant. Je faisais mal mon service, mais j’avais les bonnes grâces du colonel Chapuis, parce que je composais des marches pour ma légion. Il pardonnait à l’artiste les fautes de discipline du sous-lieutenant.24 En 1838, l’ordonnance de la garde nationale stipulait que l’effectif des musiques de chaque légion ne pouvait excéder quarante-cinq musiciens. Les musiciens étaient alors choisis dans tout le département de la Seine parmi les citoyens qui n’étaient pas affectés à une légion en qualité de musiciens. Chaque musique comprenait entre vingt-cinq et trente musiciens gagistes et des musiciens amateurs. Les gagistes recevaient une indemnité de déplacements votée par le conseil municipal de Paris. Le terme « amateur » n’est pas statutairement défini, mais il s’agirait de musiciens non-professionnels, dont la musique n’est pas le métier. Le serpent est encore présent, alors qu’il est devenu inutile, remplacé par l’ophicléide ; la 6e légion nomme des percussionnistes, absents des autres musiques. Dans Physiologie du garde national, de Louis Huart, publié en 1841, l’auteur critique la lâcheté et l’entregent pour échapper aux différentes tâches militaires de la garde nationale, comme les patrouilles ou la sécurité, attitudes caractéristiques de certains artistes parisiens allant « se planquer » dans le pupitre des percussions, page 33 : Dans les douze légions il n’est pas un triangle, pas un chapeau chinois, pas un [sic] cymbale, pas un tambourin qui ne soit tapoté, secoué, trémoussé par un peintre, un sculpteur, un chanteur ou un artiste quelconque. Pour ne citer qu’un exemple, il nous suffira d’apprendre à messieurs les flâneurs et aux 24Arthur Pougin, Adolphe Adam : sa vie, sa carrière, ses mémoires artistiques, 1877, Paris, page 113. gamins de Paris qui ont déjà remarqué, dans les rangs de la musique de la deuxième légion, un petit triangle à l’air mélancolique comme une jeune miss anglaise, que ce triangle n’est autre que Dantan jeune, notre spirituel et célèbre sculpteur. Et d’être encore plus critique envers la fanfare, page 35 : Il existe cependant un être plus heureux encore que le musicien qui parvient à obtenir la faveur de porter un de ces instruments que M. Nisard aurait le droit de nommer faciles. Cet homme excessivement heureux est le musicien de la garde nationale à cheval. Celui-là ne prend les armes, non, je veux dire le cornet à piston, qu’une seule fois par an, le jour où le roi passe la revue de la garde nationale. Le 13 octobre 1834, la musique accueillait le cercueil de François-Adrien Boieldieu dans la chapelle des Invalides. Le 28 juillet 1840 marqua la grande célébration du sixième anniversaire de la Révolution de 1830, à Paris, avec la translation des cendres des victimes des trois journées de juillet 1830. Hector Berlioz, auprès de qui le gouvernement avait commandé sa Symphonie funèbre et triomphale, en tenue d’officier de la garde nationale, dirigea les musiques renforcées d’autres musiciens. Pour l’anecdote, les mouvements de panique de la foule bousculant les exécutants, mêlés au bruit des tambours de la garde nationale trop impatients de défiler, couvrirent toute l’Apothéose. Le 30 juillet 1842, la musique escorta le cercueil du corps de Monseigneur le Duc d’Orléans à Notre-Dame. Stances adressées à Madame la duchesse d'Orléans, au bal offert à S. A. R. par la garde nationale le 22 juin 1837, paroles de M. Emmanuel Dupaty, musique de M. Adolphe Adam, Bibliothèque Nationale de France, document numérique : NUMM-5807678. Une des plus anciennes photos de Paris, prise lors de l'honneur funèbre au Duc d’Orléans, 1842. La musique participa au service funèbre célébré en l’honneur des victimes des 22, 23 et 24 février 1848, et aux fêtes de la Constitution la même année. En 1845, l’Almanach Royal et National donne les informations suivantes : 1ère légion : Chef de musique Louis 2e légion : Barizel 3e légion : Habeneck, sous-chef Meifred 4e légion : Landelle 5e légion : Fessy 6e légion : Moudrux 7e légion : Barbereau 8e légion : Claveau 9e légion : Bauller fils 10e légion : Klosé 11e légion : Dossion 12e légion : Tolbecque En mars 1845, Charles-Alexandre Fessy, le chef de musique de la 5e légion, dirigea la musique du concours se déroulant au Champ-de-Mars, composée d’instruments inventés par Adolphe Sax, et opposée à une musique avec l’effectif habituel de cette époque, sous la direction de Michele Carafa. La formation mise au point par Adolphe Sax se révéla supérieure, et remporta le concours. Charles-Alexandre Fessy composa pour ce concours une Fantaisie, première œuvre musicale comprenant la famille des saxhorns et un saxophone. En 1851, c’est l’Almanach National présenté au Président de la République, page 911 et suivantes, qui nous renseigne : 1ère légion : Tolbecque 2e légion : Verroust 3e légion : Meifred 4e légion : Landelle 5e légion : Fessy 6e légion : Moudrux 10e légion : Klosé 11e légion : Forestier aîné A la veille du Second Empire, entre les années 1848 et 1851, les dépenses liées aux frais de déplacement des musiciens de la 1ère légion se montaient environ à 583 francs par mois, soit environ 7000 francs par an. A partir de 1852, les frais augmentent, s’élevant entre 976 et 1000 francs par mois. Seule la fanfare avait des frais de 250 francs par mois. Les dépenses liées à l’habillement des musiciens s’élevaient entre 3000 et 3700 francs par mois, soit 42 679 francs pour l’année 1848 pour la 1ère légion. Les frais s’élevèrent même à plus de 53 000 francs en 1849. De plus, il fallait compter des frais de recopiage des partitions qui s’élevaient en moyenne à 200 francs par mois. Les musiciens recevaient chaque mois une solde de 100 francs par mois pour le chef de musique, 50 francs pour le sous-chef, et entre 25 et 15 francs pour les musiciens, pour l’année 1869. En fait, les musiques recevaient une somme moyenne de 1 000 francs par mois de l’état, à répartir entre les musiciens.25 25 états de soldes 1869, Archives de Paris, série D1R4 54 La Fantaisie de Charles-Alexandre Fessy pour le concours au Champs de Mars en 1845. Les 11e et 12e légions sont supprimées en 1848. En janvier 1849, un décret de Louis-Napoléon Bonaparte, élu Président de la République, supprima la moitié des bataillons de gardes nationaux et réorganisa les autres. Il se méfiait de la garde nationale. Il leur était reproché leur indiscipline et le fait d’engendrer plus de discorde que d'en résoudre. La fanfare est supprimée en 1851. à la veille de la proclamation de l’Empire, le 2 décembre 1852, le prince-président nomma à la tête de la garde nationale parisienne un fidèle, le général de La Woestine. Les musiques, qui étaient si nombreuses, ne sont plus que cinq. Les légions sont regroupées pour former les subdivisions, au nombre de cinq. Des correspondances, ordres du jours se trouvant aux Archives de Paris, nous renseignent en partie sur l’emploi et l’administration de ces musiques. Ainsi, le 2 décembre 1852, elles participeront à l’entrée officielle de l’Empereur Napoléon III dans Paris. Les musiques, dirigées par des musiciens de renom, devaient se disposer ainsi : 1er Corps du capitaine Tolbecque, à la Porte Maillot, le 2e Corps du capitaine Verroust, à l’Arc- de-Triomphe de l’étoile, le 3e Corps du capitaine Meifred, au rond-point vers les Tuileries, le rond-point des Champs-élysées, le 4e Corps du capitaine Klosé, à gauche de la grille des Tuileries, le 5e Corps du capitaine Forestier, à droite du Palais des Tuileries Les 29 et 30 janvier 1853 furent les jours de célébration du mariage civil et religieux de l’Empereur Napoléon III. Le 1er corps de musique, sous la direction du capitaine Tolbecque, se situait place du Carrousel ; le 2e corps du capitaine Verroust, à l’entrée de la place du Parvis de Notre-Dame ; le 4e corps du capitaine Klosé, à l’angle de l’asphalte, vers le pont tournant c’est- à-dire à côté de la place de la Concorde ; et le 5e corps du Capitaine Forestier, à droite du Palais des Tuileries. En 1854, les musiques militaires de l’infanterie et de la garde impériale sont organisées par une ordonnance incluant au sein de l’orchestre les familles des saxophones et des saxhorns. Toutes les musiques sont censées avoir le même instrumentarium. Les musiques de la garde nationale semblent suivre la même organisation. Le 18 août 1855 marqua l’entrée de la Reine d’Angleterre. Le 1er corps du capitaine Tolbecque était placé à la barrière de l’étoile ; le 2e corps du capitaine Verroust, Boulevard de Strasbourg ; le 3e corps du capitaine Meifred, au rond-point des Champs-élysées ; le 4e corps du capitaine Klosé, à la place de la Concorde, et le 5e corps du capitaine Forestier, place de la Madeleine. Le 29 décembre 1855, afin de célébrer le retour des troupes de Crimée, le 5e corps du capitaine Forestier était à la place de la Bastille ; le 4e corps du capitaine Bousquet, sur le boulevard Saint- Martin ; le 3e corps du capitaine Meifred ; à la hauteur du passage Jouffroy, dans le 9e arrondissement ; et le 1er corps du capitaine Tolbecque, rue de Rivoli, en face du Passage Delorme. Le 5 avril 1858, pour l’inauguration du Boulevard Sébastopol, le 4e corps de musique est placé au Pont-au-change ; le 3e corps, rue des Lombards ; le 5e corps, près de la rue Saint-Denis ; le 2e corps devant l’église Saint-Laurent ; et le 1er corps à la grille de la gare de Strasbourg. Le 14 août 1859, les musiques célébrèrent, sans autre précision, le retour de l’Armée d’Italie ; le 3 juillet 1859, la victoire de la bataille de Solférino en exécutant un Te Deum à Notre Dame ; le 3 février 1859, l’entrée dans Paris de du Prince Napoléon et de la Princesse Clotilde ; le 3 juillet 1860, elles participèrent aux funérailles du Prince Jérôme Napoléon ; le 13 août 1861, à l’inauguration du boulevard Malesherbes ; et le 7 décembre 1862, à l’ouverture du boulevard du Prince Eugène. Il est intéressant de noter que les musiques ne participèrent pas au Concours international des musiques militaires de l’Exposition universelle de 1867. C’est la musique de la garde de Paris, sous la direction de Jean-Georges Paulus, qui termina première ex-aequo avec une musique militaire allemande et autrichienne, devant la musique des Guides, musique de l’Empereur. Visite de la Reine Victoria à Paris, par Adolphe Jean Baptiste Bayot et Adrien Dauzats. Carte des emplacements des gardes nationaux et musiques lors de la visite de la Reine Victoria Retour de l’armée d’Italie à Paris, le 14 août 1859. En 1863, Louis Mayeur (1837-1894), chef d’orchestre des Concerts du Jardin d’acclimatation et saxophone solo à l’Opéra de Paris, composa un Défilé de la garde nationale pour musique militaire. Des cartons de partitions d’aubades datant de cette période sont conservés aux Archives de Paris. Les œuvres s’y trouvent en cinq exemplaires, un pour chaque subdivision de la garde nationale. Il est intéressant de noter que les familles des saxophones et des saxhorns ne sont pas toujours présentes, et qu’il y a encore des ophicléides. On y retrouve les œuvres les plus populaires du XIXe siècle : La Muette de Portici, et l’Ouverture des Chaperons Blancs, de Daniel-François-Esprit Auber ; La Victoire d’Emile Jonas, la Deuxième Fantaisie de Charles- Alexandre Fessy ; le Chœur d’Armide, une Mosaïque sur Iphigénie en Tauride, la Marche religieuse d’Alceste, de Christoph Willibald Gluck ; le Chœur des soldats de Faust, de Charles Gounod ; une Fantaisie sur Dom Sebastien, par Gaetano Donizetti ; un Fragment de Lohengrin, de Richard Wagner ; un Boléro ; un Galop de Boieldieu, issu d’un recueil de six galops joués dans les fêtes données à l’Opéra ; un Galop des éclairs ; un autre Galop des postillons ; un fragment du Guillaume Tell de Gioachino Rossini ; un fragment de Il Ballo ; La Cloche ; le final de La Vestale, de Gaspard Spontini ; Le Tocsin ; un arrangement de l’Ouverture militaire, de Ferdinand Ries ; la Marche du Prophète, une Mosaïque sur le Pardon de Ploermel, de Giacomo Meyerbeer ; l’Ouverture de Démophon, de Johann Christoph Vogel ; l’Ouverture de Martha, de Friedrich von Flotow ; l’Ouverture d’Oberon, de Carl Maria Weber ; l’Ouverture du jeune Henri d’Etienne Nicolas Méhul ; un pas redoublé sur Il bacio, de Luigi Arditi ; un autre Pas redoublé d’Erwin, et un Bouquet de valse par Nicolas Bousquet. Différentes partitions des musiques de la garde nationale de Paris. Des partitions inconnues se trouvent sous d’autres œuvres. Le 11 mars 1869, une musique de la garde nationale dirigée par Adolphe Sax participa à l’hommage funèbre d’Hector Berlioz, en jouant sa Symphonie Funèbre et Triomphale. Ambroise Thomas, alors directeur du Conservatoire, les compositeurs Daniel-François-Esprit Auber, Charles Gounod et Ernest Reyer faisaient partie du convoi. Les paiements d’indemnités aux Archives de Paris nous renseignent sur les instrumentistes des musiques en 1869, ainsi que leur statut. 1ère Subdivision : Chef : Forestier Sous-chef : Soler Puis viennent les musiciens Marie, Ferber, Sabon, Poulahl, Petinay, Desvignes, Raimond, Eysseri, Dubert, Perert, Guerra, Rosback, Baumann, Lechevallier, Schubert, Gobin, Wirthlin, Einge, Schubert, Mohr, Collin, Muller, Guihard, Kichir, Conor, Patot, Richard, Teste, Guilbault, Parrinet, Gasser, Abeillon, Morand, Schaefer, Bergin, Richard, Warembourg, Marceau, Fourache, Claverie, Boutoille, Rodin, Espeignet, Genectier, Deniau, Thuillier. 2e Subdivision : Chef : Thibault Sous-chef : Weber Puis viennent les musiciens Lamour, Simon, Douhaut, Lallier, Slupuy, Rose, Duprez, Reine, Altamira, Fallet, Kriekels, Vion, Hennequin, Schlotmann, Lallemant, Bessonna, Dubois père, Dubois fils, Lallier, Villaudret, Vasseur, Ory, Chertier, Vandomber, Malen, Massart, Pomé, Latrille, Artus, Cunin, Rousseau, Delisse, Simon, Cerclier, Sureaut, Bruneau, Feiss, Bossy, Hecker, Dericquebourg, Demol, Michaut, Pomelec, Abraham. 3e Subdivision : Chef : Colin Sous-chef : Leplus Puis viennent les musiciens Maunourier, Stalars, Degoroot, Krebs, Lamy, Demeyer, Bruyant, Halary, Gillette, Tanguy, Clodomir, Patusset, Brick, Jacques, Sicot, Gouet, Hollebecke, Mottet, Labro, Krempel, Fraiture, Viguier, Roux, Petiton, Semler, Devaux, Patusset, Cassang, Linof, Schubert, Levy, Guignery, Cordier, Baron, Virune, Parès, Audran, Evelien, Schneider, Dubrucq, Marotel, Bourgoins, Van der Ghinst. 4e Subdivision : Chef : Leroy Sous-chef : Verroust Puis viennent les musiciens Salmon, Bauller, Ybert, Bonnefoy Félix, Parès, Maupréty, Blauvillain, Limberger, Hermitte, Bonnefoy Paul, Weber, Truin, Blangy, Cohen, Bernard, Tournier, Migeon, Kessler, Mercadier, Bauce, Hemery, Mougé, Autrique, Hottin, Griser, Cahouet, Giguet, Houdé, Leroy léon, Marty, Lauff, Guiraud, Bonnefoy Emile, Moreau, Delpech, Burrus, Picod, Girard, Zuber, Schubert, Mauget, Escribe, Brunet, Sellières 5e Subdivision : Chef : Jancourt Sous-chef : Baneux Puis viennent les musiciens Petit, Mongin, germain, Harndorff, Muller, Reveillé, Caraccioli, Garimond, Pothin, Austruy, Jensen, Fleck, Frédérich, Berthenille, Touzard, Hubans, Michiels, Charrière, Tatté, Coulon, Barbu, Drome, Genin, Dupont, Laloyaux, Taffanel, Bischoff, Méritan, Gillet, Langlois, Venon, Turban, Riedinger, Duval, Grolard, Verleye, Lagny, Saubert, Lapierre, Bourdeau, Quérez, Tardif, Cerclier, Garigue. Les chefs de musique étaient payés 100 francs par mois et bénéficiaient de frais de copie de partitions de 12 francs, en moyenne. Les sous-chefs touchaient 50 francs. Les autres musiciens se répartissaient entre 25 et 15 francs en moyenne, sans qu’on sache ce qui occasionnait la différence de rémunération. Statutairement, il semble que les musiciens soient des gagistes, donc engagés volontaires sous contrat. 3. La suppression de la garde nationale (1871) : En 1870 éclate la guerre franco-prussienne. Les Prussiens prennent vite l’avantage et font le siège de Paris. Lorsqu’ils occupent les Champs-élysées, les musiques sont supprimées par souci d’économie, mais lors de la Commune, les fédérés les réorganisent. Ces musiques militaires de la garde nationale sont alors les rares orchestres à pouvoir donner des concerts ou défiler, généralement dans le but d’œuvre de bienfaisance. Par exemple, un soir, plusieurs musiques défilèrent à la lueur des torches, remontant le faubourg Montmartre. Elles jouaient le Chant du Départ, tandis que plusieurs soldats quêtaient parmi la foule au profit des blessés26. Des concerts sont organisés dans les mairies, où la foule est tellement nombreuse que tout le monde ne peut assister au spectacle. Après qu’une partie des gardes nationaux a participé à la révolte de la Commune, et après que cette dernière a été battue, le gouvernement d’Adolphe Thiers prononce, le 25 août 1871, la dissolution des gardes nationales dans toutes les communes de France. L'article 6 de la loi du 27 juillet 1872 prévoit que « tout corps organisé en armes et soumis aux lois militaires, fait partie de l'armée et relève du ministère de la guerre ». La garde nationale était ainsi définitivement supprimée, ainsi que ses musiques. La suppression de la garde nationale en province est actée le 30 août suivant ; de nombreuses musiques deviennent harmonie municipale. 26Albert de Lasalle, La musique pendant le siège de Paris, 1872. Annexe : Une élite musicale, liste des compositeurs et musiciens de la garde nationale Il est très difficile de retrouver les noms de ceux qui ont fait partie des orchestres. Et pourtant, certains d’entre eux font partie des plus grands musiciens de leur temps. 1. Compositeurs et chefs d’orchestre Nom Dates de naissance et de mort Fonction Henri-Montan Berton Né le 17 septembre 1767 à Paris, mort le 22 avril 1844 dans cette même ville. Sous-chef de musique Charles-Simon Catel Né le 10 juin 1773 à L’aiAigle (Orne), mort le 29 novembre 1830 à Paris. Sous-chef de musique Luigi Cherubini Né le 14 septembre 1760 à Florence, mort le 15 mars 1842 à Paris. Chef de musique François-Joseph Gossec Né le 17 janvier 1773 à Vergnies (Belgique), mort le 16 février 1829 à Passy. Chef de musique Ferdinand Paër Né le 1er juillet 1771 à Parme (Italie), mort le 3 mai 1839. Sous-chef de musique Jean-Baptiste Tolbecque Né le 17 avril 1797 à Hanzinne (Belgique), mort le 29 octobre 1869 à Paris. Chef de musique à la 1ère légion Adolphe Leroy Né le 16 août 1821. Chef de musique de la 4e subdivision Joseph Forestier, dit Jeune Né le 5 mars 1815, mort le 13 novembre 1882 à Paris. Cornet à la 5e légion, chef de musique à la 11e légion, puis de la 5e légion, et enfin de la 1ère subdivision Narcisse-Joseph-Jean Soler Né le 25 mai 1818 à Figuières (Espagne), mort le 27 janvier 1896 à Paris. Sous-chef de musique de la 1ère subdivision Charles Barizel Né en 1788, mort le 25 mai 1850. Chef de musique de la 2e légion Louis Verroust Né le 10 mai 1814 à Hazebrouck, mort le 11 avril 1863. Sous-chef de musique de la 2e subdivision Edouard Thibault Né le 17 janvier 1817, mort en 1870. Chef de musique de la 2e subdivision François-Antoine Habeneck Né le 22 janvier 1871, mort le 8 février 1849 à Paris. Chef de musique de la 3e légion Pierre-Joseph Meifred Né le 22 novembre 1791 à Colmar, mort le 29 août 1867. Chef de musique de la 3e légion Gabriel Leplus Né le 1er septembre 1807 à Lille, mort le 18 mars 1874 à Argenteuil. Sous-chef de musique de la 3e subdivision Charles-Joseph Colin Né le 2 juin 1832 à Cherbourg, mort le 26 juillet 1881 à Paris. Chef de musique de la 3e subdivision Hyacinthe Eléonore Klosé Né le 11 octobre 1808 à Corfou (Grèce), mort le 29 août 1880 à Paris. Chef de musique de la 10e légion Frédéric Berr Né le 17 avril 1794 à Mannheim (Duché de Bade), mort le 24 septembre 1838 à Paris. Chef de musique de la 5e légion Charles-Alexandre Fessy Né le 18 octobre 1804 à Paris, mort le 30 novembre 1856 à Paris. Chef de musique de la 5e légion Jean-Michel Forestier Né le 9 août 1812 à Udine, mort le 18 décembre 1867 à Paris. Chef de la musique de la 11e légion Eugène Jancourt Né le 15 décembre 1815 à Château- Thierry, mort le 29 janvier 1901 à Boulogne-sur- Seine. Chef de musique à la 5e subdivision Mathieu Baneux Né le 12 juin 1825 à Paris, mort le 27 mars 1878 à Paris. Sous-chef de musique de la 5e subdivision 2. Des musiciens talentueux Edouard-Alexis Bernard Né le 16 juillet 1806 à Amiens, mort en juin 1847. Corniste à l’Opéra Franco Isaac dit François Dacosta Né le 17 janvier 1778 à Bordeaux, mort le 12 juillet 1866 à Bordeaux. Clarinettiste à l’Opéra François Dauverné Né le 1er février 1800, mort le 4 novembre 1874. Première trompette à l’Opéra, professeur de trompette et de cornet au Conservatoire François Devienne Né le 31 janvier 1759 à Joinville, mort le 5 septembre 1809 à l’asile de Charenton. Compositeur, flûtiste à l’Opéra, professeur au Conservatoire Louis Dorus Né le 1er mars 1812, mort le 9 juin 1896 à étretat. Flûtiste au Théâtre des Variétés, flûtiste solo à l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire, professeur au Conservatoire Jacques Duvernoy Né le 23 octobre 1763 à Montbéliard, mort le 28 février 1845 à Paris. Clarinettiste au Théâtre Feydeau et à la Chapelle Impériale, professeur au Conservatoire, Frédéric Duvernoy Né en 1765 à Montbéliard, mort le 19 juillet 1838. Compositeur, corniste à l'Orchestre de la Comédie Italienne, à l’Opéra, Feydeau et à la Chapelle Impériale, professeur au Conservatoire. Georg-Friedrich Fuchs Né le 3 décembre 1752 à Mayence (Allemagne), mort le 9 octobre 1821 à Paris. Compositeur, professeur au Conservatoire François Gebauer Né le 15 mars 1773 à Versailles, mort en juillet 1845 à Paris. Compositeur, bassoniste à l’Opéra et à la Chapelle Impériale, professeur au Conservatoire Michel-Joseph Gebauer Né le 3 mai 1765 à La Fère (Aisne), mort en décembre 1812 lors de la retraite de Russie. Professeur de hautbois au Conservatoire, chef de musique de la musique de la Garde des Consuls, puis de la Garde Impériale. Louis-Alexandre Hermanse Né le 6 octobre 1811 à Paris, mort le 22 septembre 1855 à Ville-Evrard. Trompettiste à l’Opéra. Jean-Xavier Lefèvre Né en 1763 à Lausanne (Suisse), mort le 9 novembre 1829. Clarinettiste solo à l’Opéra, et dans la Chapelle Impériale. Professeur au Conservatoire. Claude Paul Taffanel Né le 16 septembre 1844 à Bordeaux, mort le 21 novembre 1908 à Paris. Flûte solo à l’Opéra, à la Société des Concerts du Conservatoire, 3e chef d’orchestre à l’Opéra, professeur au Conservatoire. Conclusion à la suite de la Révolution française de 1789, les musiciens de la garde française, menés par Bernard Sarrette, avaient créé la musique de la garde nationale, avec, à leur direction musicale, Jean-François Gossec. Très vite, la réunion de ces talents se fit remarquer et attira d’autres artistes. Il est fort probable que cet orchestre développa le style instrumental à la française ainsi que la musique d’harmonie. A priori au service du peuple et des idées révolutionnaires, ces musiciens sont quand même soumis aux différents changements politiques ; leurs idées, les cérémonies, sont toujours soumises à la volonté des dirigeants français. Ainsi, il est fort probable qu’un mauvais choix politique causa la dissolution de la musique en 1795. Pendant la période du Consulat, les relations entre le Conservatoire et les représentants du gouvernement semblent poser des problèmes, sans que l’on sache réellement ce qu’il s’est passé. Les professeurs et musiciens étaient-ils trop révolutionnaires pour les autorités ? Le peu d’archives disponible pendant l’Empire, nous suggère que la musique ne fut recréée qu’à partir de 1814, alors que les gardes nationales de Province et étrangères possédaient toujours des orchestres. En 1814, les musiciens révolutionnaires deviennent des musiciens de cour. Pour autant, les orchestres, qui furent jusqu’au nombre de treize, participèrent à des cérémonies de prestige, touchant la vie et les esprits de la société parisienne. C’est certainement pour cela qu’elles bénéficiaient d’une grande notoriété. Pour les élèves du Conservatoire en instrument à vent, l’apprentissage en parallèle dans ces orchestres devaient certainement avoir son importance : côtoyer les meilleurs musiciens de la place de Paris permettait sûrement un enseignement musical aussi indispensable qu’apprendre, seul, dans une salle de classe. Sans cette expérience, peut-être que les Taffanel, Dauverné, Schiltz, Caussinus, et autres musiciens marquants du XIXe siècle n’auraient pas été les mêmes. Sans compter que bon nombre de ces musiciens s’engagèrent ensuite dans les musiques de la garde impériale, ou de la garde de Paris, future garde républicaine. Cette dernière, survivant à la chute de l’Empire, reprit ce rôle de prestige laissé vacant. A noter qu’il existait des musiques de la garde nationale dans d’autres villes de province, et qu’à leur suppression, beaucoup d’entre elles devinrent des musiques municipales. Mais elles ne possédaient ni le prestige, ni le talent, de celles de Paris. Avec la réorganisation de la garde nationale, pourrait-on imaginer la recréation d’une musique composé des meilleurs instrumentistes français ? Remerciements Je tiens à remercier très chaleureusement mon professeur du Conservatoire à Rayonnement Régional de Créteil, Anne Rousselin qui m’a soutenu et a corrigé mon travail. Merci pour son enseignement historique et musicologique ainsi que ses cours d’analyse, faits avec toujours autant de passion. Merci également à mes deux camarades de recherches, Thierry Bouzard, docteur en musicologie, et Jean-François Durand, chef de musique militaire en retraite, avec lesquels nous échangeons tellement autour de nos passions : les orchestres, qu’ils soient militaires ou civils, professionnels ou amateurs. Bibliographie Périodiques : Journal Le Menestrel Revue Historique des Armées – Musique Militaire, Service historique de la Défense, n°279, année 2015 Constant Pierre, « La Musique des gardes françaises », dans l'Art musical, n°26, Constant Pierre, 1893 Almanach Royal et National de 1845, Paris Almanach National présenté au Président de la République de 1851, Paris. L’annuaire royal de 1822, Paris. Agenda musical de 1836, Paris. Ouvrages : Constant Pierre, B. Sarrette et les origines du Conservatoire National de Musique et de Déclamation, Paris, Delalain frères, 1895 Constant Pierre, Le Magasin de musique à l’usage des fêtes nationales et du Conservatoire, Paris, Fischbacher, 1895 Constant Pierre, Le Conservatoire national de musique et de déclamation. Documents historiques et administratifs, Paris, Imprimerie nationale, 1900 Nouveau manuel complet des gardes nationaux de France contenant l'école du soldat et de peloton, 1831. François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, Deuxième édition, Tome I à VIII, Librairie de Firmin Didot frères, 1867, Paris. Arthur Pougin, Adolphe Adam : sa vie, sa carrière, ses mémoires artistiques, 1877, Paris. Louis Huart, Physiologie du garde national, Paris, 1841. Archives : Cartons de la série D.1R4 54, « état de solde du personnel », Archives de Paris. Cartons de la série D.1R4 33 à 42, « Musique, partitions d’orchestre », Archives de Paris.