Le trompette Pierre Conrad


par Bernard Conrad.

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Trompette Pierre Conrad, du 6e régiment de hussards, 1869, par Lucien Rousselot.
(Collection Frédéric Conrad)

En avril 1868, le 6e régiment de hussards quitte Abbeville et Amiens pour aller tenir garnison à Lunéville et Toul. L’état-major ainsi que les 1er, 2e, 5e et 6e escadrons vont prendre leurs quartiers à Lunéville, alors que les 3e et 4e escadrons se rendent à Toul. En septembre 1869, le régiment quitte Lunéville et Toul pour aller tenir garnison à Castres.

L’Indépendant du Tarn, journal républicain publié à Castres, signale dès le 16 septembre le passage à Albi des « colonnes du 6e hussards : pour le 13 octobre, on attend les deux escadrons de dépôt, commandés par un chef d’escadrons (seize officiers, cent quatre- vingt-onze hommes, deux cent quinze chevaux). Puis les 19 et 20 octobre deux escadrons, commandés par le lieutenant-colonel (huit officiers, deux cent trente-deux hommes, deux cent cinquante-six chevaux). Enfin, le 21, deux escadrons et l’état-major, commandés par le colonel (treize officiers, deux cent trente-cinq hommes, deux cent soixante-huit chevaux). Soit un peu plus de sept cents hommes en tout. A cette date de septembre 1869, le peloton hors-rang est déjà arrivé à Castres. »

Tout ce monde va loger dans le quartier de cavalerie, qui s’appellera après 1875 quartier Drouot quand les 3e et 9e régiments d’artillerie en auront pris possession. C’est de nos jours, après maintes destructions, le centre administratif.

Le 6e régiment de hussards, qui porte le dolman vert clair, à collet et parements rouges, boutons et tresses blancs, pantalon rouge à bandes blanches et passepoil central vert clair, devait égayer la ville, habituée aux dolmans vert sombre à tresses noires des chasseurs à cheval. Néanmoins, dès le mois d’octobre, L’Indépendant du Tarn note : « Un événement déplorable vient d’impressionner péniblement la population de notre ville : deux capitaines du 6e hussards se sont battus mercredi passé à l’épée. L’un d’entre eux a été frappé dans la région du cœur : la mort a été instantanée. »

En juillet 1870, l’armée française compte huit régiments de hussards à six escadrons. A la mobilisation, le 15 juillet 1870, les sept régiments de la métropole forment chacun : - un « régiment de guerre », aux ordres du colonel, avec cinq escadrons ; - un dépôt, aux ordres du major, avec l’escadron restant et le peloton hors-rang. Le 6e régiment de hussards « de guerre », alors en garnison à Castres, est formé avec les 1er, 3e, 4e, 5e et 6e escadrons. Les régiments de hussards sont affectés aux divisions de cavalerie des corps d’armée de l’armée du Rhin.

Le 6e régiment de hussards est affecté à la 2e brigade du 7e corps d’armée. Le régiment, qui a pu échapper à la destruction de l’armée active, est présent dans les armées de la défense nationale. N’ayant pu rejoindre le 7e corps, il est affecté à la 1ère brigade de la division de cavalerie du 15e corps d’armée. Le 26 août 1870, un décret impérial prescrit la formation, au fur et à mesure des besoins, de régiments de marche formés en réunissant par quatre les escadrons de dépôt. Les termes « escadron de dépôt » concernent non seulement l’escadron d’active resté au dépôt au départ du régiment de guerre, mais également tous les escadrons mis sur pied par ce même dépôt durant les hostilités. Pour la subdivision de l’arme de hussards, il est formé, dans les dépôts de huit régiments, vingt-et-un escadrons de marche et huit escadrons dits « provisoires ». Les escadrons de marche, joints aux escadrons d’active laissés dans les dépôts aux départ des régiments « de guerre », permettent de constituer : - quatre régiments de marche de hussards (1er, 2e, 3e et 4e) ; - huit régiments de marche mixte de cavalerie, sur les onze créés, en participation avec les dépôts des régiments de chasseurs. Le 1er régiment de marche de hussards est formé le 14 septembre 1870, à Castres, avec les : - 2e escadron du 2e ; - 2e escadron du 4e ; - 2e escadron du 6e ; - 4e escadron du 7e. Ce régiment est placé sous les ordres du lieutenant-colonel Guyon-Vernier, envoyé à Tours par chemin de fer et forme, avec le 2e régiment de cavalerie légère mixte, la brigade de Tucé, division Michel. Il passe, le 18 octobre, dans la brigade Tripart, division Ressayre, et enfin, le 16 janvier 1871, dans la brigade Guyot, du 21e corps, où il reste jusqu’à la fin de la campagne. C’est donc dans ce régiment que le trompette Pierre Conrad, venant probablement du 2e escadron du 6e régiment de hussards, fit campagne contre l’Allemagne.

Le 20 octobre 1870, dans une reconnaissance sur Marchenoir, le 1er régiment de marche de hussards fait prisonnier dix cavaliers ennemis sous les ordres d’un officier qui est tué dans cette rencontre. Le général allemand Stolberg fait réclamer le corps de cet officier, son parent, au général Tripart. Le 1er régiment de hussards de marche prend part le 9 novembre à la bataille de Coulmiers. Un instant exposé au feu violent de l’artillerie, il se replie par échelons avec beaucoup de calme. Le chef d’escadrons Jacquin est tué dans cette bataille. Le chef d’escadrons Beauvieux s’y distingue et est récom- pensé peu après par le grade lieutenant-colonel. Le lieutenant-colonel Guyon-Vernier nommé colonel puis général de brigade, laisse le commandement du régiment au chef d’escadrons de Lagny. Les 28, 29 et 30 novembre, le 1er régiment de marche de hussards, secondé par deux bataillons de mobiles et une compagnie de francs-tireurs, défend le village de Patay contre les attaques de l’ennemi. Le 1er régiment de marche de hussards surprend, dans la nuit du 1er au 2 décembre, soixante uhlans dans une ferme, en tue dix dont un officier et ramène trente-neuf prisonniers. Le régiment passe ensuite au 17e corps dont il couvre la retraite sous les ordres du général Gaston de Sonis puis Guépratte et de Colomb.

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Timbalier du 6e régiment de hussards, 1860, par Maurice Toussaint.
(Collection Frédéric Conrad)

Le lieutenant-colonel de Bonne prend à Vendôme, le 15 décembre, le commandement du 1er régiment de marche de hussards. Ce régiment est placé à l’aile gauche de l’armée du général Chanzy qui se replie sur Le Mans. Un assez grand nombre de hussards saisis par le froid, parmi lesquels le nommé Morlier atteint de congélation, ne peuvent suivre cette marche, extrêmement pénible. Le régiment se porte le 24 décembre en reconnaissance sur Thougne, près de La Ferté. Le brigadier Dupetit, engagé volontaire pour la campagne et âgé de soixante-deux ans, est nommé chevalier de la Légion d’honneur. Après la bataille du Mans et la retraite sur Laval, ce régiment a de fréquents engagements de tirailleurs. A Sablé, quelques hussards sont blessés et, à Soultrés, plusieurs uhlans sont faits prisonniers. Le 1er régiment de marche de hussards arrive le 15 janvier 1871 à Laval, où il fait sa jonction avec le 21e corps. Il passe ensuite à Mayenne, Poitiers et arrive enfin à Carcassonne où il se fond dans le 5e régiment de hussards. Le 13 mars 1871, Pierre Conrad est incorporé au 5e régiment de hussards venant du 6e régiment de hussards (1er régiment de marche de hussards), arrivé au corps le 2 avril 1871. Le 6 avril 1871, Pierre Conrad est renvoyé dans ses foyers comme appartenant aux provinces cédées à l’Allemagne, à Walschbronn (Moselle), mais en réalité à Chaumont (Haute-Marne). Il obtient la médaille commémorative de la guerre de 1870-1871. Pierre Conrad est versé dans la réserve au 7e escadron territorial du train d’artillerie (en exécution de l’article 77 de la loi du 27 juillet 1872). Passé au 7e régiment territorial de cavalerie (hussards) le 20 septembre 1878, il accomplit une période d’instruction du 17 au 29 avril 1879 inclus.

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Hussard Pierre Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)
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Marche composée par Frédéric Conrad.

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