La trompette de cérémonie :
trompette « à la Sax »,
« à la renommée », « à l’ange gardien »
ou trompette « Jeanne d’Arc »

par Frédéric Conrad.


Avatar de la grande trompette de cavalerie utilisée jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, la trompette de cérémonie « modèle à la Sax » également dénommée « de parade », « de gala », « à la renommée », « à l’ange » ou « à l’ange gardien », voire même « trompette Jeanne d’Arc », a fait son apparition sous le Second Empire en devenant l’apanage musical des Cent-gardes et de quatre unités de cavalerie de la garde impériale (Guides, 1er régiment de cuirassiers, régiment d’artillerie à cheval et escadron du train des équipages).


Ce modèle de trompette, créé par Adolphe Sax, est approuvé par décret de l’empereur au mois de mai 1854.

Adolphe Sax (né à Dinant en Belgique en 1814 et mort à Paris en 1894) a commencé à déposer ses brevets d’inventeur d’instruments de musique à Bruxelles à partir de 1838. Il débute son extraordinaire carrière à Paris en 1842 avec le soutien de Berlioz, invente le saxophone en 1845 (breveté à Paris le 21 mars 1846) et devient le premier fournisseur instrumental de la Maison militaire de l’empereur par arrêté du 7 avril 1854. Universellement reconnu sous le second Empire pour ses œuvres et ses découvertes, il reçoit en 1867 à l’Exposition universelle de Paris le seul Grand Prix décerné à la facture instrumentale. En 1869, il obtient la nationalité française. Il se constitue par ailleurs l’une des plus importantes collections d’instruments de musique au monde.


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Trompette de l'escadron des Cent-gardes, Second Empire, par Eugène Lelièpvre,
La gravure française.
(Collection Frédéric Conrad)

La trompette en usage à l’escadron des Cent-gardes est en laiton argenté. D’une longueur totale de 84,5 cm et d’un diamètre de pavillon de 12,5 cm, elle est composée d’un tube faisant deux tours sur lui-même et formant une boucle à chaque tour. Son pavillon est orné d’une applique dorée et estampée, de 5,7 cm de haut sur 5,5 cm de large, représentant les armes impériales. Sous cet écusson impérial, est gravée en creux et en italique l’inscription ADOLPHE SAX, BREVETÉ À PARIS, FSEUR DE LA MON MRE DE L’EMPEREUR. En dessous, est frappé un numéro : nous en connaissons trois (10680, 12599 et 15641) qui sont sans rapport avec les registres matriculaires de l’escadron mais qui pourraient correspondre à trois sorties d’instruments, toutes catégories confondues, des ateliers d’Adolphe Sax. L’escadron utilise également un modèle plus courant, sans dorure ni argenture, livré par les mêmes ateliers.

Cette trompette est dotée d’une grande flamme ou tablier de forme rectangulaire à base découpée en trois festons. En soie, bleue à droite et rouge à gauche, elle est identique sur ses deux faces. Le décor central représente les grandes armes impériales encadrées de chêne et de laurier, avec en dessous une banderole, bleue dans la partie rouge et rouge dans la partie bleue, portant l’inscription ESCADRON DES CENT GARDES DE L’EMPEREUR ; dans les angles supérieurs figure un N d’or sur un fond rayonnant. Le créateur de ce dessin est un certain Couderc dont le projet est approuvé par l’empereur lui-même et les flammes sont fournies par Michel-Ange Marion, négociant, 13 rue de Grammont. La flamme, lorsque l’ordre en est donné, est portée recouverte d’une enveloppe en velours bleu, galonnée et frangée d’or et portant en son centre les armes impériales brodées en or, avec l’intérieur de la couronne cramoisie.

Le cordon de trompette sert à porter et retenir l’instrument, que ce soit à pied ou à cheval. Une partie de sa longueur est enroulée autour des tuyaux, l’autre partie est passée en bandoulière. Il est mélangé or et rouge. Les glands ont de longues franges, bleues au centre, rouges au dessus et or à l’extérieur. En petite tenue, la trompette est utilisée sans la flamme et le fil d’or du cordon et des glands est remplacé par de la laine aurore.


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Trompette du régiment des Guides, Second Empire, par Eugène Lelièpvre,
La gravure française.
(Collection Frédéric Conrad)

Le régiment des Guides de la garde impériale est également doté de trompettes de parade en laiton argenté. Six trompettes de ce type auraient été offertes au régiment des Guides par la reine Victoria, à une date imprécise. Il en existe des variantes qui diffèrent par quelques détails de finition, par leur longueur variant de 80 à 86 cm (sans embouchoir) et par leur marquage. Un exemplaire conservé au musée de l’Armée porte sur le pourtour du pavillon l’inscription : ADOLPHE SAX BREVETÉ A PARIS 12598 FSEUR DE LA MSON DE L’EMPREUR (sic). Le manteau impérial rapporté sur le pavillon peut être en argent massif, en cuivre argenté ou encore doré avec la signature AS SEUL GRAND PRIX 1867 (référence à la récompense obtenue lors de l’Exposition universelle de Paris).

La grande flamme de parade, rectangulaire à base arrondie, est en drap vert d’un côté et écarlate de l’autre, avec la même ornementation sur chaque face : l’aigle impériale non couronnée surmontée d’un N rayonnant et encadrée de chêne et de laurier, le tout brodé en soie jaune mêlée de fils d’or, avec une banderole portant l’inscription RÉGIMENT DES GUIDES, rouge sur le fond vert et verte sur le fond rouge.

Trois autres corps de la garde reçurent ces trompettes « à la Sax » : le 1er régiment de cuirassiers, le régiment d’artillerie à cheval et curieusement l’escadron du train des équipages (alors qu’aucun autre régiment n’en fut doté, ni les carabiniers, ni les chasseurs à cheval, ni les lanciers, ni l’escadron de gendarmerie d’élite, ni même le 2ème régiment de cuirasiers).

Pour ces trois corps, les trompettes sont en laiton non argenté. Les flammes de parade sont identiques dans leur forme et ornementation à celles des guides, mais aux couleurs des unités : avers écarlate et revers bleu céleste aux cuirassiers, avers rouge et revers bleu céleste foncé à l’artillerie, avers gris de fer et revers écarlate au train d’artillerie ; les banderoles, de couleur opposée au fond, portent le titre du régiment à l’avers et l’inscription GARDE IMPÉRIALE au revers.


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Trompette du 1er rang du 5ème régiment de hussards avec « trompette à l'ange ».
Planche de R. Louis et du Cdt Bucquoy, Le Passepoil 20ème année n° 3-4.
(Collection Frédéric Conrad)

Le 5ème régiment de hussards, alors en garnison à Pont-à-Mousson, fut commandé à partir de 1891 par le colonel Roy de Vacquières. Cet officier supérieur, qui deviendra général en 1897, fit don au régiment de quatre trom-pettes du modèle des Guides du second Empire. Elles furent dotées de flammes de drap aux couleurs distinc-tives des quatre escadrons de guerre, c’est-à-dire : bleu foncé, cramoisi, bleu de ciel et vert foncé, couleurs des pompons de shako. Ces flammes rectangulaires, des dimensions de celles de la garde impériale, étaient bordées d’un galon d’encadrement et d’une frange. L’avers était orné de la lettre H dans une couronne de feuillage avec le chiffre 5 dans les angles. Le revers portait une croix en soutache à la hongroise avec une étoile à huit rais dans les angles.

Les trompettes dotés de cet instrument, placés au premier rang de la fanfare du régiment, ont paru dans toutes les revues et fêtes du régiment y compris à la revue du 14 Juillet, à Pont-à-Mousson puis à Nancy qui fut sa nouvelle garnison en 1895.

A la dissolution du régiment, après la Première Guerre mondiale, les quatre trompettes et leurs superbes flammes, furent rendues à la famille Roy de Vacquières.

La garde républicaine possède également ce modèle de trompette, utilisé dans des circonstances particulières, représentations, festivités et formations spéciales.

En 1935, 1936 et 1937, Pierre Aldebert fut chargé de mettre en scène, sur le parvis de Notre-Dame de Paris, le Vrai mystère de la Passion, d’après le texte d’Arnoul Gréban (XVème siècle), spectacle repris en 1951, 1954 et 1956. Les trompettes en assurèrent la partie musicale en 1936 et 1951. Revêtus de costumes inspirés de la mode médiévale, aux couleurs de la ville de Paris, les trompettes étaient dotés de ces instruments « Jeanne d’Arc » ornés de grandes flammes armoriées. L’une des flammes utilisées lors des représentations de 1951 a figuré sur un catalogue de vente à Drouot en 2003. Elle est mi-partie bleu et rouge, à deux pointes et galonnée d’or, avec au centre un grand écusson aux armes de Paris au naturel.

On a encore retrouvé ces trompettes lors de tableaux historiques de la « Grande parade de la Gendarmerie » montée en 1964 au Palais des Sports de Paris, comme avec la tenue blanche et noire inspirée de la garde du roi Henri II, avec des flammes aux armes royales, d’azur à trois fleurs de lis brodées en or.

Dans certains cas, la représentation de la formation spéciale « Maison du Roy » est introduite par une sonnerie de huit trompettes dotés de l’instrument du modèle à la Sax.

Plus récemment, la fanfare principale de l’arme blindée cavalerie (1994-1999) fut aussi dotée de trompettes de cérémonie.

Ces instruments étaient en cuivre pour les trompettes et argenté pour le trompette-major. La flamme bleu céleste était ornée de l’attribut de l’arme blindée cavalerie, le heaume de face empanaché, brodé en fil argenté.

Rappelons la trompette de cérémonie utilisée par le trompette de la « Whâ » du Prytanée national militaire pour l’exécution du refrain « Le Huron ».

Le trompette-major et les trompettes de la fanfare principale de l'arme blindée cavalerie


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Capitaine trompette-major Eric Conrad montant Oviedo.
(Collection Frédéric Conrad)

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Capitaine trompette-major Éric Conrad montant Oviedo et brigadier-chef timbalier Éric Robin montant Paolo.
(Collection Frédéric Conrad)

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Brigadier-chef trompette Christophe Hy, brigadier-chef timbalier Éric Robin montant Paolo, brigadier trompette Philippe Guilbault.
(Collection Frédéric Conrad)

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Brigadier-chef trompette Christophe Hy, brigadier-chef timbalier Éric Robin montant Paolo, brigadier trompette Philippe Guilbault.
(Collection Frédéric Conrad)

Le trompette Frédéric Conrad du Prytanée national militaire


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Trompette Frédéric Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

L’adjudant Frédéric Conrad de la garde républicaine


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Adjudant Frédéric Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Adjudant Frédéric Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Adjudant Frédéric Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Adjudant Frédéric Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

Les trompettes de la légion de la garde républicaine - Le vray mistère de la Passion, Parvis de Notre-Dame de Paris, juin 1936


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Les trompettes.
(Collection Frédéric Conrad)

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Les trompettes.
(Collection Frédéric Conrad)

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Les trompettes.
(Collection Frédéric Conrad)

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Adjudant-chef trompette-major Louis Prodhomme.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompette Félix Conrad montant Totalité.
(Collection Frédéric Conrad)

Les trompettes de la garde républicaine de Paris - Le vray mistère de la Passion, Parvis de Notre-Dame de Paris, juillet 1951


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Adjudant trompette-major Albert Gossez montant Glaive royal.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompettes Charles et Pierre Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompettes Pierre et Charles Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompette Charles Conrad montant Commodore.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompette Pierre Conrad montant Régale.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompette Marius Scala sonnant avec une trompette basse.
(Collection Frédéric Conrad)

Les trompettes de la légion de la garde républicaine de Paris - Grande parade de la gendarmerie française, Palais des sports de Paris, 1964


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Affiche de la Grande parade de la gendarmerie française, par Charles Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompette Pierre Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompette Pierre Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompettes Marcel Fabry, Emmanuel Arnal et Pierre Conrad.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompettes Marcel Fabry montant Dame d'honneur, Emmanuel Arnal montant Insensé et Pierre Conrad montant Abricot.
(Collection Frédéric Conrad)

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Trompettes Marcel Fabry montant Dame d'honneur, Emmanuel Arnal montant Insensé et Pierre Conrad montant Abricot.
(Collection Frédéric Conrad)

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